Depouhon François




                Elle unit la rue de Pepinster à l’intersection des rues A. Snoeck et Davignon. 

             Le Conseil communal d’Ensival a tenu à honorer un citoyen dont la vie fit honneur à son village natal. Nous extrayons de la « Biographie nationale, (1905), les éléments de cette brillante carrière. « De famille modeste, il dirigea ses études vers la carrière com¬merciale. Dès 18 ans, il gérait les affaires de trois importantes firmes de Verviers, dont il avait seul la signature. En 1823 il se fixa à Anvers où il fonda une maison de banque et de commission qui prospéra rapidement.

             Deux ans plus tard, il s’en fallut de peu qu’il rejoigne La Fayette qui partait pour Washington. L’intérêt qu’il portait à l’Amé¬rique l’amena d’ailleurs, plus tard, à participer à la création de la colonie belge de Santo-Tomas de Guatémala. Ruiné par la révolution de 1830, F. Depouhon vint s’établir à Bruxelles après avoir voyagé longtemps en Espagne et en France. 

           Il se lança dans la carrière de publiciste et, en 1835, il devint agent de change. Son influence croissante dans les milieux d’affaires et ses écrits attirèrent sur lui l’attention des sphères politiques. En 1847 il fut élu membre de la Chambre des Représentants où, pendant quatre ans, il s’occupa principalement de problèmes économiques et financiers. Dès 1837, il tenta, dans ses écrits, de faire reconnaître la nécessité d’une banque nationale. 

         Dans plusieurs de ses brochures il chercha à en populariser l’idée et ce n’est pas sans raison qu’il s’est appelé « le grand-père de la Banque Nationale ». Censeur dès la première heure, il remplaça en 1853 le directeur J. Mathieu (v.c.n.) qui était retourné à la Société Générale. Bienfaiteur d’Ensival, son village natal, où il créa pour les vieillards un hospice qui existe toujours, il encourageait les arts et favorisa l’éclosion du talent de Vieuxtemps. En 1854 il fonda sous le voile de l’anonymat un prix à décerner par l’Académie royale de Belgique. Censeur, 1850-1853. Directeur, 1853-1872.»






















         En ce qui concerne l'hospice-hôpital qu'il fonda je vous donne le texte intégral des courriers au Ministre et le reste.... hallucinant un chemin de croix



L'hospice Ste Elisabeth, la propriété del Marmol, l'usine Albert Snoeck, Francval et la montée du Chereau


courrier de Monsieur De Pouhon François

       Depuis que j’ai quitté Ensival, il y a près de cinquante ans, j'ai toujours conservé la mémoire de sa population qui se distinguait par son excellente moralité, et j'avais conçu le désir de lui laisser un témoignage de mon affectueuse sympathie. 

        Ce désir se traduisait en rêve ou en espoir, selon les vicissitudes diverses de ma carrière. Le sort a permis que je fusse assez heureux pour pouvoir réaliser un projet si longtemps nourri. 

       Après avoir donné à Ensival quelques gages de mes bons souvenirs d'enfance, j'ai entrepris une œuvre plus importante, avec l'assentiment et le concours de ma femme. Le 24 Août 1858, nous passions devant notaire l'acte de fondation d'un hospice-hôpital. Chose singulière et peu encourageante pour ceux qui seraient tentés d'imiter mon exemple, au lieu de pouvoir vous annoncer l'ouverture d'un établissement qui devait contribuer au soulagement de mes concitoyens pauvres, malades et infirmes, je suis amené à vous soumettre, bien malgré moi, l'exposé des démarches que j'ai faites pour réaliser mon œuvre et des obstacles qui jusqu’ici ont entravé et menacent de compromettre sa réalisation.

 Vous savez que le Gouvernement a refusé d’autoriser la fondation dès le principe et alors que tout était préparé pour qu'elle pût fonctionner dans un bref délai. En présence de ce refus, vous vous imaginez, sans doute, que l'acte qui la constitue, renferme des clauses bien dangereuses pour, la morale ou l'ordre public, car si elles n'étaient qu'excentriques, mais inoffensives, ce ne devrais pas être une cause de réprobation. 

 La seule lecture du document que je joins à cette lettre, vous permettra de porter à cet égard un jugement auquel je me réfère avec confiance. Vous y verrez que la fondation n'est pas une œuvre de bigoterie, car elle est destinée aux vieillards et aux malades sans distinction de croyances religieuses; elle consacre une allocation pour frais nécessaires pour procurer les secours spirituels aux malades de cultes qui n'auraient pas de ministre dans la localité; elle prévoit, en outre, les cas d'intolérance des religieuses chargées du service, et elle y obvie. 

 Après la fondation, nous avons déclaré l'intention de souscrire à toute garantie qui serait jugée propre à prévenir la transformation de l'hospice en couvent Vous reconnaîtrez aussi que la fondation n'a rien d'hostile à la charité officielle, puisque le président du bureau de bienfaisance et, ainsi que le bourgmestre, partie de droit de l'administration de l'hospice, et que l'établissement comprend un local destiné aux distributions du bureau de bienfaisance et des caves pour renfermer ses provisions. 

 La fondation, loin de chercher à se soustraire an contrôle de l'administration publique, l'appelait, au  contraire, en prescrivant que chaque année, dans le courant de janvier, la commission de l’hospice remettra à l’administration communale qui, après en avoir fait l’examen, le transmettra à l’autorité supérieure, un rapport sur les Enfin, l'autorité publique était largement représentée dans la commission administrative.

Nous faisions entrer de droit dans cette administration, à titre héréditaire, des membres de bailles auxquelles nous voulions donner un témoignage de considération personnelle. 

J'ai appris, dans d’autres pays, que les fonctions d'administrateur des établissements charitables sont briguées par les familles les plus élevées en rang. On pouvait y attacher quelque prix à Ensival et à Francomont comme ailleurs. Nous voulions aussi, par ce moyen, assurer dans l'avenir des protecteurs ù l'hospice.

Je considère le système électif pour la représentation des intérêts publics, comme une conquête importante qu'il faut conserver ; il sauvegarde mieux les droits et la dignité du citoyen. Cependant, je ne professe pas un respect absolu et illimité pour les résultats des élections en général. Si vous interrogez les choix des comices électoraux de notre pays el des pays voisins, vous pouvez vous convaincre que les élus ne sont pas toujours les plus capables ni les plus dignes.

Quant à moi, j'avoue qu'en confiant la gestion de l'hospice à une administration qui se recruterait dans certaines familles connues et honorables, je pensais mieux assurer son bon gouvernement et son avenir, qu’en le remettant aux mains d'administrateurs qui seraient soumis aux caprices et aux engouements variables de la multitude.

Je vous prie de remarquer d'ailleurs que je n'attribuais pas entièrement les fonctions d'administrateur au hasard de la naissance. Elles ne revenaient pas de droit à l'ainé de la famille. L’article 22 porte : qu'à la mort d'un administrateur héréditaire, si les principaux membres de la famille ne s'entendent pas pour désigner son successeur, le conseil d’administration de l’hospice le choisira parmi les parents de sa descendance dont la demeure sera la plus rapprochée d’Ensival, dans l’arrondissement de Verviers, et lui présentera le plus de garanties de zèle et d’aptitude.

El l’article 23 ajoute : qu'en cas d'extinction ou de l’éloignement de ces familles, le conseil communal nommerait aux places gui deviendraient ainsi vacantes, sur une liste double de candidats présentés par la commission administrative de l’hospice. Il devait procéder de même au remplacement des membres non héréditaires.

La demande d'autorisation fut introduite par l'administration communale d'Ensival. Par lettre du 9 septembre 1958, M. le commissaire de l'arrondissement de Verviers lui signala les clauses de la fondation qui lui semblaient contraires à la législation sur la matière.

Je répondis que j'avais consulté un jurisconsulte qui s'était spécialement occupé de la question ; que son avis était que la législation existante, interprétée par ses organes naturels, par ceux qui sont appelés à en faire l'application, ne s'opposait nullement à la composition de l'administration proposée; que le Gouvernement ayant la faculté de donner l'autorisation, il ne pouvait y avoir nulle raison possible pour le refuser, l'institution ayant un but utile et ne présentant aucun danger.

L'affaire, soumise au Département de la justice, donna lieu à une dépêche ministérielle, en date du 14 février 1859, qui rappelle les lois, arrêtés et décrets de la république et de l'empire français, applicables aux fondations charitables; le Ministre nous fait engager et modifier nos dispositions en ce sens.

Dans ma réponse, datée du 30 mars 1839, je me réfère à un jugement du Tribunal de Verviers, à des arrêts delà Cour d'appel de Liège et de la Cour de cassation qui prouvent que le Gouvernement a le pouvoir d'autoriser des institutions de bienfaisance avec administrateurs spéciaux. L'autorisation de l'hospice n'est donc plus qu'une question de bon ou de mauvais vouloir de sa part.

Les intentions bien arrêtées du Ministère étaient connues alors; on savait qu'il méditait le changement de quelques mots à l'article 84 de la loi communale, en vertu duquel la personne civile ne pourrait plus être accordée qu'avec le concours de la législature. Ce changement fut consacré par la loi du 3 juin 1859.

Jusque-là, le Gouvernement eût pu autoriser l’hospice par voie administrative, comme cela n’a pas cessé de se faire en France et s'est pratiqué en Belgique, lors de la réunion à la Hollande, et pendant dix-huit ans après 1830, sous l'empire de la même législation.

Les lois qui régissaient les institutions charitables réclamaient sans doute des changements. Elles remontaient à une époque de rénovation sociale, où le pouvoir, ayant à se défendre contre l'esprit encore vivant de l'ancien régime, était obligé de recourir à un système de centralisation et de compression ; mais, depuis, il s'était écoulé un demi-siècle pendant lequel les principes d'égalité avaient rapproché les diverses classes de la société et avaient inculqué aux citoyens le sentiment de leurs droits avec celui de leurs devoirs. 

Les mœurs publiques s'étaient adoucies, les idées généreuses répandues, il y avait donc lieu de réformer la législation de la bienfaisance pour l'approprier à l'esprit moderne, au caractère national et aux libertés consacrées dans la Constitution.

     Cette tâche eut dû exciter l'ambition d'hommes qui étaient au pouvoir et qui ont su réaliser de précieux progrès dans l'ordre des intérêts matériels; mais ils étaient, avant tout, les représentants d'un parti qui s'appelle libéral, un peu comme aux États- Unis le parti aristocratique qui défendait l'esclavage se nommait avant la scission, le parti démocratique. 

    Non seulement le Ministère n'eût pu songer à proposer une réforme pour la charité publique, en harmonie avec les besoins de l'époque, sans heurter les idées de la fraction militante de son parti, mais il poussa la docilité jusqu'à faire adopter la loi sommaire du 3 juin 4859, qui coupa court à toutes les interprétations modérées et équitables des lois despotiques de la république et de l'empire français, pour leur restituer leur rigueur absolue.

     Je reprends l'exposé des faits relatifs à l'hospice d’Ensival. L’'affaire entre dans une nouvelle phase. Il n'y a plus d'autorisation possible qu'au moyen d'une loi. Si les constructions n'avaient pas été commencées, j'y aurais renoncé ; mais les bâtiments s’élevaient et l'on n'abandonne pas facilement un projet à la réalisation duquel on s'est livré longtemps avec bonheur.


       Après avoir résisté près de neuf mois à l'idée de la publicité et peut-être de  discussion d'un projet de loi, nous nous y résignâmes, ma femme et moi. Les hommes qui occupaient le pouvoir avaient dit à satiété, lors des débats aux Chambres législatives, que les fondations avec administrateurs spéciaux pourraient obtenir la personnification civile au moyen de lois spéciales qui seraient votées comme on vote les lois de naturalisation, c'est-à- dire sans discussion.

           Résignés à subir l'épreuve d'un projet de loi, j'eus l'honneur d'en faire part à M. le bourgmestre d'Ensival, par lettre du 26 février 1860, en le prévenant que je lui laissais le soin de la provoquer, soit par l'intervention directe du Gouvernement, soit par l'initiative de MM. les représentants de Verviers. J'ajoutais qu'afin d écarter de l’acte de fondation tout ce qui serait de nature à soulever des susceptibilités, ma femme et moi nous consentirions à composer la commission administrative de l'hospice du bourgmestre, du curé, du président du bureau de bienfaisance et de quatre membres nommés par le conseil communal.
Par sa lettre du 23 mars suivant, M. le bourgmestre me fit l'honneur de m’écrire que les membres du conseil communal avaient tous applaudi à ce nouveau témoignage de ma sollicitude pour hâter l’ouverture de hospice-hôpital, en allant au devant des objections que ton pourrait faire pour autoriser cette fondation.
Dans sa séance du 19 avril 4860, le conseil communal émit l’avis qu'il y avait lieu de prier M. le Ministre de la justice de bien vouloir soumettre à la sanction des Chambres législatives un arrêté autorisant la fondation dudit hospice-hôpital.

J’omets, pour abréger, un malentendu avec le conseil communal, qui n'avait pas, d'ailleurs, de conséquence.

Le conseil communal avait manifesté le désir d’acquérir dans le jardin de l'hospice le terrain nécessaire pour une seconde école communale. Je vis là une circonstance qui pourrait agir favorablement sur les dispositions du Gouvernement. Je m'empressai d'écrire, le 15 août 1860, que si la fondation était autorisée, l'administration céderait gratuitement ce terrain.

Par lettre du 20 du même mois, M. le bourgmestre me transmit la copie de celle qu'il avait écrite à M. le Ministre de la justice pour renouveler ses instances, en faisant valoir l'avantage de la concession de terrain pour l'école communale.

En septembre, M. le bourgmestre me fit parvenir une dépêche de M. le Ministre de la justice, en date du 31 aout 1860.

Ce haut fonctionnaire dit que la réception des pièces qui lui ont été transmises a coïncidé avec la clôture de la session législative, et que s'il fallait aviser à faire intervenir la législature, il s'écoulerait encore beaucoup de temps avant de pouvoir espérer une solution.

     Il serait à désirer que l’affaire put se terminer par voie administrative. Il suppose que j'ai concédé, que la propriété de l’hospice-hôpital reposât sur la tète des hospices civils pour former une personnification distincte, et dans cette hypothèse, il ne reste plus, suivant lui, que deux difficultés : 

1) la désignation du curé de la paroisse et du président du bureau de bienfaisance comme membres de la commission administrative ; 
2) la clause que les cinq membres à nommer par le conseil communal devaient avoir leur domicile de droit à Ensival et à Francomont.


je ne tenais nullement à cette deuxième clause; je ne sais même pas pourquoi je l'avais introduite à l’origine. Le conseil communal l’ayant maintenue, je n’avais pas fait d'observation.

Le bourgmestre étant de droit président du bureau de bienfaisance, notre but, en ce qui le concerne, était atteint de fait.

Quant à la présence du curé, II suffirait, disait M. le Ministre, que les fondateurs en exprimassent le désir auquel le conseil communal croirait toujours devoir se conformer. Le Gouvernement le rappellerait dans l’arrêté d'autorisation.

Si au contraire,  dit M. le Ministre, « M. De Pouhon tenait « absolument à faire proclamer législativement que les curés « successifs, quels qu’ils fussent, seraient membres de droit, il courrait le risque de faire ajourner indéfiniment ta fondation.

Cette question est certes, ajoute-t-il, une des plus délicates de la matière, et il serait impossible de prévoir quand et comment elle serait résolue. 

Vous le voyez, mes chers concitoyens, la présence du curé dans l'administration de l'hospice était le seul obstacle à l'autorisation, soit qu'elle dût avoir lieu par voie administrative si nous abandonnions l'établissement à la bienfaisance publique, soit que, dans le cas contraire, il fallut recourir à la législature.

     Veuillez remarquer que la loi n'a pas de limite dans son action, qu’elle est omnipotente, qu’elle eut pu autoriser l'hospice dans les termes mêmes de l'acte de fondation du 24 août 1858, sans changement aucun. Il s’ensuit que toutes les difficultés soulevées jusqu’à présent sont le fait seul de M. le Ministre de la justice, puisque la législature n’a pas été saisie de la question. C'est devant elle qu’elle devait être portée. Douter de son vote approbatif, comme le fait M. le Ministre, c'est faire injure à la majorité des membres de la Représentation nationale. 

     Un projet de loi présenté par le Gouvernement eût probablement passe sans discussion, comme une loi de naturalisation. Une proposition de loi due à l’initiative de membres isolés et combattue par le Gouvernement, eût donné lieu peut-être à des discussions tout au moins regrettables sous plus d'un rapport.

L'administration communale voulut bien, à ma demande, écrire, le 19 novembre dernier, à MM. les représentants de votre arrondissement, pour les prier d'intervenir. J'espérais que leur influence déterminerait M. le Ministre à présenter un projet de loi. Ils ont fait, à cet effet, des démarches qui sont restées sans succès. 

Je ne leur ai pas demandé d'user de leur droit d'initiative par la raison que je viens de vous dire, et parce que je n’aurais pas voulu les placer dans une position délicate. J’ai l'honneur de les compter au nombre de mes amis, et je savais qu'ils devaient être soumis, cette année, à la réélection. Ils n'ont donc pas été dans le cas de me refuser un mode de concours qu'il n'entrait pas dans mes vues de solliciter de leur part.

Ces messieurs parlèrent de l'affaire à M. le Ministre de la justice en décembre dernier. Celui-ci avait enfin reconnu que le refus d'autorisation de l'hospice-hôpital, pour le seul motif que le curé devait faire partie de la commission administrative, conjointement avec six membres nommés par le conseil communal (j'avais fait celle nouvelle concession), serait considéré comme chose exorbitante. 

Il déplaça la question et dit à MM. les représentants de Verviers qu'il ne pouvait proposer aux Chambres d'accorder la personnification civile sans que l'établissement eu des revenus assurés.

Comme, jusque là, il n'avait pas été question de garantie de celte espèce, j'en puis conclure que cette nouvelle exigence n’avait d'autre but que de déguiser l'opposition à la participation du curé, seule et véritable cause de la résistance du Gouvernement.

    Au mois de février dernier, M. le baron del Marmol fit un séjour à Bruxelles. En sa qualité de président du bureau de bienfaisance d*Ensiva1, il vit  le Ministre de la justice qui, tout en le montrant bien disposé, lui déclara ne pouvoir présenter un projet de loi sans que l'hôpital eut des rentes. Il n'était pas, du reste, exigeant quant à l'importance de la dotation.

Ainsi traqué dans une position où l’on a besoin de se sentir libre pour faire bien, je remis, le 8 février, à M. le baron del Marmol, l'engagement de parfaire les 9,000 francs qui ne devaient être payés qu'en 1867 sur le prix du terrain de l'hospice, et de constituer, en outre, dès à présent, une rente annuelle de 1,800 francs au profit de l’établissement.

H. le baron del Marmol savait que nous avions eu, ma femme et moi, l'intention de faire beaucoup mieux si l'on s'en était rapporté à l'engagement moral que nous avions pris dans l'acte de fondation, et qui se trouve confirmé dans une lettre de M. le Ministre de la justice du 31 janvier 1859, par laquelle je lui écrivais que nous avions l’ intention d'assurer le service de l'hospice.

M. le Ministre promit à M. del Marmol de le rappeler sous peu de jours pour terminer l'affaire. Cette promesse est restée jusqu’ici sans résultat.

Ayant vu le 16 mai dernier dans les journaux, que la session législative allait finir avec la semaine, je m'empressai d'écrire à M. le Ministre de la justice pour lui rappeler sa promesse. Un article de loi, présenté à la Chambre, eût pu encore être voté comme on vota d'autres projets et plusieurs crédits importants sans discussion.

Ma lettre est restée sans effet utile; mais comme elle disait que» nous résignant, il ne nous restait qu'à exposer aux habitants d’Ensival et de Francomont les motifs qui nous obligeaient à abandonner l’entreprise que nous avions voulu réaliser en faveur de la population ouvrière de ces localités, M. le Ministre y répondit par une dépêche de seize pages qui, s'il veut la publier, vous donnera la preuve que l'art d’écrire a été inventé pour déguiser les pensées.

 Si je m'abstiens d'en donner connaissance, c’est par égard pour la dignité du pouvoir que personnifie le chef du Département de la justice. Au surplus, ma réponse, que je transcris ci-après, vous mettra à même de juger de la valeur des arguments que l’on m’a opposés. Je ne dois pas vous cacher qu'elle m'a été retournée, refermée sous cachet ministériel, comme témoignage, sans doute, du dédain avec lequel on croit pouvoir traiter, en haut lieu, de semblables bagatelles.

Cette lettre, la voici :

« Bruxelles, le 4 juin 4861.


* Monsieur le Ministre,


 J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser le 20 mai. Vous avez pris la peine de me l'écrire afin, dites- vous, de ne pas laisser dénaturer les actes et les intentions du Gouvernement au sujet de l'hospice-hôpital projeté à Ensival.

Je me crois obligé de vous écrire encore, Monsieur le Ministre, car je dois vous répondre que j'ai jugé les intentions par les actes, et que si les actes sont dénaturés, ce n’est pas par moi. J'éprouve aussi le besoin de vous démontrer que les arguments que vous faites valoir à l'appui du refus d'autorisation de l'hospice, ne sont que spécieux.

 Le principal motif que vous alléguez dans votre lettre, motif que vous n'avez trouvé que récemment et quand vous avez jugé qu'il convenait de déplacer la question, réside dans l’absence de dotation et de garanties pour le service de l’établissement.

 Faut-il nécessairement qu'un établissement particulier de bienfaisance soit doté d’une manière complète pour que le Gouvernement puisse l'autoriser ou proposer à la législature de lui accorder la personnification civile?
« 11 n'existe ni règle, ni précédent qui limite à cet égard l'action du pouvoir. 11 suffit dès lors que l'établissement soit reconnu réellement utile. C'est une affaire d’appréciation.

       Puis, quelle limite assigne-t-on à la dotation ? quel chiffre doit- elle représenter pour qu’elle soit reconnue complète et suffisante? comment échapper à l'arbitraire qui peut exiger telle ou telle somme, mu par des motifs dont il se pose le souverain juge?

        Si, armé de ce pouvoir arbitraire, vous aviez pu être bienveillant pour un établissement charitable qui demandait à exister tout l'invocation de Saint-Elisabeth, et avec un curé comme membre de son administration, vous auriez pris l'avis du conseil communal d' Ensival, qui vous eut répété ce qu’il vous avait écrit naguère eu en sollicitant l’autorisation ; à savoir que  cette donation était d’une haute importance pour cette commune, dont les trois quarts de la population se composent d’ouvriers de fabrique qui n’ont d’autre ressource que le produit de leur travail, lesquels n’occupent bien souvent qu’une seule chambre pour toute la famille, et en cas de maladie épidémique, se trouvent dans une position des plus critiques et des plus dangereuses, ce qui n'aurait plus lieu si nous avions un hospice à notre disposition.

  Le président du bureau de bienfaisance vous aurait fait connaître que les ressources de ce bureau se composent, d'après une note qui m'a été remise, comme suit :

 La commune donne.... fr. 250 >

 la collecte que M. le président et M. le bourgmestre font annuellement à domicile, produit 700 à . . . . 800 frs »


Une rente de M. Davignon père

     Avec le revenu de quelques autres capitaux, les recettes peuvent s’élever à environ 3,400 francs, non compris la donation de 1,000 francs de rente, réservée pour les enfants pauvres qui font leur première communion.

     Vous auriez pu apprendre aussi qu’à Ensival et à Francomont, il y a un petit nombre de maisons fortunées, très-charitables, mais que les secours journaliers que réclament les besoins les plus pressants des pauvres, empêchent, comme ils ont empêché leurs prédécesseurs également riches et distingués par leur bienfaisance, de fonder un asile durable pour les vieillards et les malades.

Éclairé par ces renseignements, vous vous seriez dit : Quelqu'un se présente qui veut réaliser cette chose utile, saisissons-le au passage. A la vérité, ce n'est qu'un engagement « moral qu'il prend avec sa femme de créer l’hospice-hôpital, mais  on dit qu’ils jouissent de certaine aisance, ils l'ont prouvé par d'autres donations déjà consommées à Ensival même; ils ont déjà payé et ils apportent à la fondation une petite propriété  qui devait servir dans  le plan primitif, conçu un an plus tôt, et qui a été changé; retirés des affaires, ils ne sont plus exposés  à de grands revers de fortune ; ce sont d’honnêtes gens : je n'ai pas appris qu'ils fussent atteints d’aliénation mentale quand ils  ont passé l'acte de fondation devant notaire; il est permis de  considérer le projet comme sérieux ; autorisons donc, et laissons se former la commission d'administration qui veillera à la bonne exécution des travaux de construction, et qui recevra t les donations que des personnes charitables voudront faire à  l’hospice.

 Et plus tard, après avoir refusé d’autoriser à l'origine, voyant les constructions avancées ou achevées, et acquérant ainsi la certitude que l'entreprise était sérieuse, vous auriez pu admettre que ceux qui avaient érigé l'établissement méritaient bien que l’on eût confiance dans l'intention qu'ils avaient manifestée de mettre l’hospice a même de fonctionner.  Mais, monsieur le Ministre, pour que vous eussiez agi ainsi, il eût fallu que vous eussiez été bienveillant pour l’œuvre et vous ne le pouviez pas, car elle se montrait à vos yeux comme étant inspirée par la charité chrétienne, et celle-là parait vous être antipathique.

 Vous dites, monsieur le Ministre, que si nous avions fait donation de l'établissement dans les conditions ordinaires à la  commission des hospices, celle-ci eût eu à examiner les avantages  que lui procurait notre libéralité; elle eût eu à apprécier quelles  étaient les charges que les bâtiments que nous mettions à sa disposition pouvaient entraîner pour elle et de même que bien  souvent des conseils de fabrique refusent, sur l’avis conforme  de MM. les évêques, des legs qui ne laissent aucun bénéfice à  ces administrations, il eût pu arriver qu'un conseil d’administration des hospices eût trouvé nos constructions hors de proportion avec ses ressources. 

L'objection eût pu être sérieuse, en effet, aux yeux de l'administration civile des hospices d'Ensival, car vous venez de voir qu'elle n'est pas riche. Sa pénurie eût été une raison, si je n'en avais eu d’autres, pour ne pas lui faire ce cadeau embarrassant. Je crois néanmoins qu'elle eût accepté et même qu'elle n’eût pas eu de peine d’obtenir votre autorisation; mais l'inconvénient que vous signalez n'eût pas existé pour une fondation spéciale qui ne devait fonctionner que dans la limite de ses moyens.

D'abord, nous ne lui imposions ni messes, ni obits, ni charges quelconques. Ne lui eussions-nous pas même fût donation d'un franc, quelle pouvait attendre longtemps que des ressources lui vinssent d'ailleurs. Le produit de la culture d'un hectare de bonne terre sur lequel l'établissement repose, eût pourvu aux frais d'entretien des bâtiments.

Mais cette éventualité n'était pas à redouter, je crois que vous en êtes persuadé.

L’acte de fondation impliquait l'engagement moral que ma femme et moi prenions, de taire un don annuel pour les besoins courants de l’hospice. » Si vous la faisiez rechercher, on trouverait dans vos archives une lettre que j'eus l'honneur de vous écrire le 31 janvier 1859, pour solliciter de nouveau une prompte autorisation, et dans cette lettre vous liriez ce paragraphe: « Nous      avons l'intention d'assurer le service de l'hospice, mais nous « ne pouvons pourvoir à tous les besoins des pensionnaires.

Vous répéterez, sans doute, que ce ne sont là que des intentions dépourvues de garanties.

 Cette même lettre vous fallait connaitre  que trois personnes âgées  et charitable, manifestaient l'intention de doter l'établissement. Deux de ces personne sont mortes depuis, sans avoir pu réaliser leur dessein 

 Vous auriez dû comprendre, monsieur le Ministre, qu'en prenant des engagements formels avec garantie, nous eussions désintéressé les personnes fortunées de la localité. Elles n'auraient plus eu de motif pour faire des donations quand d’autres se seraient engagé à pourvoir suffisamment aux besoins. 

L'autorisation a principalement pour but d'attribuer à l’établissement la faculté de recevoir. On ne donne qu'à celui qui a besoin.

Assurer le service de l'hospice-hôpital, n'était pas d'ailleurs une charge exorbitante. Les articles 8, 9 et 14 de l'acte de fondation donnent la mesure.

En attendant que les revenus puissent parer à tous les  besoins, l'administration fixera les prix que les fabricants, chefs d'industrie et de ménage aisés, payeront pour l’entretien de leurs Ouvriers, parents et domestiques invalides, malades  ou blessés. Elle arrêtera l'indemnité que la commune devra  payer pour les malades pauvres. Elle pourra admettre des « pensionnaires aisés, vieillards ou infirmes qui voudront, moyennant un prix rémunérateur, jouir de la salubrité du local, des  bons soins des médecins et des infirmières de l'établissement, etc.

 Quel est le fabricant qui ne préférât placer ses ouvriers malades à l'hospice, plutôt que de les secourir a domicile ? il le ferait sans plus de sacrifice. — Dans les familles d’ouvriers dont tous les membres travaillent à la journée, quand l’un est malade, un autre est retenu dans le ménage pour le soigner; il y a ainsi double dommage. Le malade allant à l’hospice, lui seul est empêché de gagner son salaire.

    Enfin, monsieur le Ministre, quand, abreuvé de dégoûts et résigné à abandonner l'œuvre que ma femme et moi avions entreprise, j’appris, en février dernier, par M. le baron del Marmol que, moyennant un revenu assuré quoique modéré, vous présenteriez un projet de loi aux fins d'autorisation, je me décidai à subir votre exigence et, comme dernier sacrifice, je m'engageai à constituer un revenu de 1,500 francs. 

  En vous remettant mon engagement, M. del Marmol ne vous laissa pas ignorer que lui- même et des personnes fortunées d'Ensival et de Francomont avaient l'intention de doter l'hospice, que M. Henri Davignon de Bruxelles était prêt à lui faire le don de 653 francs de rente. — Vous auriez pu exiger que tous fournissent leurs valeurs avant la présentation du projet de loi.  Vous promîtes de rappeler Monsieur  le baron del Marnol, sous peu de jours, pour terminer cette affaire; il ne vous demanda pas, lui, de garantie de votre promesse; les miennes eussent été mieux remplies.


 Ainsi que j’ai déjà eu l'honneur de vous le dire, l’absence de revenus assurés est un prétexte que vous n'avez imaginé récemment, que pour couvrir la cause réelle de votre mauvais vouloir. Vous n'en avez dit mot quand vous pouviez autoriser par voie administrative; vous n'en avez pas parlé davantage quand, après la promulgation de la loi du 3 juin 1859, le concours de la législature est devenu nécessaire, jusqu'eu décembre dernier, que vous alléguâtes cette raison à Mrs. Moreau et David, représentants. Le motif réel de votre déni de justice et d'humanité est bien celui exprimé dans votre dépêche du 31 août dernier, à savoir : l'adjonction de droit du curé à six membres nommés par le conseil communal pour composer la commission administrative de l'hospice-hôpital.

 Veuillez agréer, monsieur le Ministre, l'assurance de ma haute considération.

Je vous ai exposé, mes chers concitoyens, les circonstances qui se rapportent aux démarches que j'ai faites en vue d'obtenir la personnification civile pour l'hospice, et au refus que le Gouvernement m'a opposé, alors qu’il pouvait l’accorder par voie administrative et après que la loi du 3 juin 1859 a rendu nécessaire le concours de la législature.

      Il me reste à vous dire pourquoi je n’ai pas prévenu toutes ces difficultés, en remettant notre fondation à administration des hospices civils  en renonçant ainsi à une administration spéciale, et par conséquent à l'intervention du curé.

Les circonstances qui environnèrent, en 1857, la présentation et la discussion du projet de loi de la charité, avait excité mon indignation. On avait représenté ce projet de loi comme ouvrant la porte toute large aux couvents et à la main-morte. N’étant partisan ni de la main-morte ni des couvents, hormis ceux destinés au soulagement de l'humanité souffrante et ceux des religieuses qui donnent l'instruction aux jeunes filles, je me joignis d'abord à ceux qui critiquaient le projet ministériel, jusqu'à ce que voyant l’agitation que l'on avait organisée, je pris le parti de le lire, je me le procurai donc et je fus confondu e trouvant qu’il y était exclusivement question des fondations de bienfaisance, et que, loin de favoriser les empiétements et l’accaparement des communautés religieuses, il accumulait, au contraire, toutes les conditions, les précautions et les garanties pour conserver aux institutions charitables leur caractère essentiel, et empêcher et prévenir les abus qui auraient pu se glisser dans leur gestion.

Pour mettre, au surplus, à néant les objections et les craintes de ceux qui persistaient à évoquer le fantôme des couvents, le Gouvernement présenta un amendement qui limitait strictement le personnel des employés selon les besoins reconnu des établissements auxquels ils étaient attachés.

L'accusation du rétablissement de la main-morte était encore moins justifiée, car un article du projet de loi prescrivait la vente, dans un délai de deux ans au plus, de tous les immeubles légués ou donnés, à l'exception des bâtiments, cours, jardins et terres formant l'établissement même, objet de la fondation.

     Quel est le libéral chez qui l’esprit de parti ne domine pas le sens moral, qui ne se sentit humilié en relisant, à tête reposée, ce projet si étrangement et si perfidement défiguré, d’avoir applaudi à l'odieuse comédie qui a été jouée à son occasion ? 

      Et comment ne pas s’affliger à la pensée que des hommes qui se recommandent au respect et à l'affection du pays par des services signalés, aient pu accepter un rôle actif dans une sorte de complot basé sur l'imposture?

Quant à moi, je ne ferai jamais acte d'acquiescement au régime anti-libéral qui a été maintenu et aggravé par le retrait du projet de loi de 1857, et c’est à titre de protestation que je refuse de livrer l'hospice d'Ensival à l'administration publique et à renoncer à adjoindre, dans la commission, le curé aux six membres à nommer par le conseil communal.

Je ne désespère pas néanmoins de voir l'établissement recevoir, tôt ou tard, sa destination. J’ai foi dans les revirements de l'opinion publique qui affranchiront la charité des entraves que l'on oppose à son exercice. 

Si ma parole était plus autorisée, je ne m'adresserais pas seulement à mes anciens concitoyens, car je vois la question de plus haut que du clocher de notre paroisse ; j'essayerai de répandre mes convictions, afin de hâter, ne fût-ce que d'un seul jour, la réaction que j'attends.

Ma femme et moi pensons avec amertume à la déception qu’éprouvent les vieillards qui s'attendaient à finir leurs jours dans une retraite paisible et confortable; je les prie de croire que j’obéis à une conviction irrésistible en leur causant cette contrariété.

Veuillez agréer, mes chers concitoyens, l’expression de mes sentiments affectueux.

Bruxelles le 18 octobre 1864



Acte de fondation de l’hospice-hôpital d'Ensival, du 24 août 1858.


Par-devant maître Constantin-François De Leau , notaire à la résidence d'Ensival, canton de Spa,
Ont comparu :

Monsieur François De Pouhon, l’un des administrateurs de la Banque Nationale, né à Ensival, et madame Anne-Thérèse Snyers, son épouse, rentière, domiciliés à Saint-Josse-ten-Noode, lez Bruxelles,

Lesquels ont déclaré vouloir fonder, à Ensival, un établissement servant d'hôpital pour les malades et de refuge pour les vieillards de la commune d'Ensival et de la partie de la commune de Lambermont, dénommée Francomont, sous les bases, clauses et conditions suivantes :

1) L’hospice-hôpital sera érigé sous l’invocation de Sainte-Élisabeth, en mémoire de feue dame Jean-Nicolas David, née Élisabeth Pirard, qui fut la bienfaitrice des pauvres d'Ensival et de Fran­comont.

2) Il sera construit sur partie de terrain que monsieur De Pouhon a acheté, à cet effet, de monsieur Laurent-Joseph Jehin et son épouse, et de celui que monsieur Victor Sauvage a bien voulu céder en échange d’une autre partie dudit achat.

     3) Monsieur et madame De Pouhon (ont, par ces présentes, donation entre-vifs audit hospice-hôpital Sainte-Élisabeth, de ces terrains et des bâtiments ci-après désignés, qu'ils y feront construire incessamment, avec la charge d'une dette hypothécaire, au capital de neuf mille francs qui grevait les prairies achetées de monsieur Jehin, et dont les intérêts sont payables à quatre et demi pour cent l'an, jusqu’au remboursement que les créanciers ne consentent à recevoir qui l'époque fixée du vingt-sept juin mil huit cent soixante-sept.
Ces terrains figurent au plan cadastral de la commune d'Ensival, sous les numéros 522, 523 et 526, et mesurent ensemble nonante- sept ares et dix-huit centiares. 

     4) L'établissement comprendra :

Quatre salles et des chambres pour cinquante et un lits. Les malades et les vieillards, les femmes et les hommes seront séparés
Une chambre à deux lits pour les opérations chirurgicale».
Deux chambres pour les infirmières.
Une chambre pour l’aumônier.
Chambres pour les gens de service.
Un parloir, servant de salle de réunion de l’administration.
Un réfectoire pour trente-six personnes.
Une cuisine avec buanderie.
Deux cabinets de bain.
Une chambre mortuaire.
Une pharmacie.
Une lingerie.
Une chambre à provisions.
Une chapelle à l'usage des pensionnaires et des habitants de la commune.
Une place pour les distributions du bureau de bienfaisance.
Des caves pour les provisions du bureau de bienfaisance.
Deux calorifères.
L'hospice aura deux cours avec clôture et un grillage en fer du côté de la façade, parterre, jardin légumier.
Un terrain, sur la partie la plus rapprochée du centre de la commune, sera réservé pour la construction d'une école gardienne.

   5) Monsieur et madame De Pouhon font aussi (location entre-vifs audit hospice, de la maison que monsieur De Pouhon a achetée de monsieur Lince-Veuster. Cette maison sera revendue avant ou au terme du remboursement du capital de neuf mille francs, hypothéqué sur les terrains de l'hospice, et le produit sera affecté à ce remboursement, en accordant la préférence, pour cet achat, à monsieur Simon Pirard ou ses représentants, ladite maison sise à Ensival.

6) Ils font également donation entre-vifs à l'hospice, de la croix pectorale du premier archevêque de Cologne. Elle a été cédée, à titre onéreux, à monsieur De Pouhon, par le comte Théophile de Hompesch. Elle avait appartenue à la famille de son épouse, baronne d’overschie, dont la mère, comtesse de Hochsteden, était de la famille de l’archevêque. Si un membre de celle famille, ou autre personne, voulait payer l'ample valeur de celte croix, l’administration de l'hospice la vendrait pour en accroître ses ressources.

7) Le don annuel que monsieur et madame De Pouhon se proposent de faire, et ceux que l'hospice recevra sans affectation spéciale, d’autres personnes charitables, seront appliqués dans l'ordre suivant :

A. Au payement des intérêts du capital de neuf mille francs, dont la propriété sera grevée jusqu'à mil huit cent soixante-sept;
B. A l'entretien du bâtiment et à la prime d'assurance contre incendie;
C. Au traitement du médecin attaché à l'établissement ;
D. Au payement des visites des chirurgiens;
E. Au traitement du prêtre qui administrera les secours religieux aux pensionnaires et malades de l'établissement et dira la messe à la chapelle, au moins tous les dimanches et les fêtes de l’église.
Monsieur et madame De Pouhon supposent, toutefois, que le logement a l'hospice sera une rémunération suffisante de ce service ;
F. Aux frais nécessaires pour procurer les secours spirituels aux malades de religions qui n’auront pas de ministre dans la commune, soit protestants, israélites ou autres ; ces frais ne dépasseront pas cinquante francs par malade ;
G. Au trousseau annuel des religieuses ;
Aux gages des autres personnes préposées au service de l'établissement.

    8) Monsieur et madame De Pouhon espèrent que la charité des personnes fortunées, et des personnes aisées de la commune d’Ensival et de Francomont, suppléera, dans l'avenir,  l'insuffisance des ressources de l'établissement pour l'entretien des malades et des vieillards. En attendant que les revenus paissent parer à tous les besoins, L’administration fixera les prix auxquels les fabricants, chefs d'industrie et de ménages aisés payeront par jour pour l'entretien de leurs parents, ouvriers et domestiques invalidés, malades ou blessés .Elle arrêtera l'indemnité que la commune devra payer pour les malades pauvres.

9) Les malades des environs, étrangers à la commune, pourront être reçus moyennant des prix rémunérateurs des dépenses et des frais généraux. Leur admission ne pourra cependant pas nuire à celle des malades pauvres de la commune et de Francomont.

10) Pour l'admission des vieillards, on choisira les personnes les plus âgées et les plus infirmes, nées à Ensival et à Francomont. Les aveugles et les paralytique auront la préférence.

11) Les repris de justice seront exclus de rétablissement.

12) Monsieur et madame De Pouhon prescrivent expressément qu’il ne soit fait aucune distinction ou préférence, pour différence de religion, dans l'admission et le traitement des malades et des vieillards.

13) L'administration déterminera la somme à payer pour la fondation de lits de vieillards.

14) Elle pourra admettre des pensionnaires aisés, vieillards ou infirmes, qui voudront, moyennant un prix largement rémunérateur, jouir de la salubrité du local, des bons soins des médecins et des infirmières de l’établissement.

    15) Les legs et dons qui seront faits en argent à l'institution, le prix des fondations de lits ou antres, seront, à défaut de prescriptions spéciales des donateurs, placés de la manière que l’administration jugera la plus
 propre à concilier la solidité du placement avec le meilleur revenu; mais quels que puissent être les besoins de l'établissement, il est expressément interdit d'aliéner, tout ou partie des capitaux ainsi engagés, si se n’est pour remploi immédiat et simultané. De même, l’institution ne pourra emprunter. L'administration est conjurée de ne pas perdre de vue qu'une situation obérée entrainerait la ruine de l'établissement, et que mieux vaut une institution qui rende des services incomplets, que d'en être  privé.

Il semblerait qu'un asile destiné à la vieillesse et aux infirmes dût être inviolable, et qu'en l'élevant il n'y eût pas lieu de se préoccuper des outrages qu'il pourrait subir. Ce serait une illusion : le cours des temps amène des époques où les hommes sont travaillés par des idées de réformes politiques, religieuses ou sociales. Leurs erreurs sont A redouter. Pour améliorer les institutions, ils y portent le désordre. En vue de répartir plus équitablement les richesses, ils les détruisent. Elles renaissent, mais en d'autres mains. C'est ainsi que les établissements charitables qui devraient être sacrés peuvent être ruinés par la spoliation ou la transformation de leurs capitaux.

16) Si l’hospice-hôpital fondé par ces présentes, venait à subir des événements de force majeure, résultant de révolutions, d'émeutes, d’abus de pouvoirs ou d'autres causes, l’administration ferait cesser le service, die fermerait même l'établissement, à moins que les habitants d'Ensival, de Francomont ou autres ne pourvussent à ses besoins courants. L'administration ne reprendrait son action bienfaisante, que lorsque les revenus auraient permis de réparer les dommages et restauré l'étal des finances.

17) Il s'entend que l'administration ne capitalisera pas les dons qui pourrait être faits en vue et avec l’affectation spéciale de parer aux besoins journaliers, de suppléer, dans les temps d'épidémies, de stagnation du travail des fabriques et de cherté des denrées, à l'insuffisance des revenus ordinaires de rétablissement.

18) Les fondateurs désirent que l'hospice soit desservi par des religieuses de congrégations charitables, mais ils n'en font pas une obligation rigoureuse. Quelle que soit la vénération qu'ils professent en général pour ces saintes filles qui se vouent au soulagement de l'humanité souffrante, ils doivent admettre l'hypothèse qu'il en vint à l’hospice qui, par intolérance ou par de trop grandes négligences ou exigences, fussent une cause d'embarras pour l’administration.

    19) Les fondateurs imposent A l'hospice la charge d'admettre, en qualité de pensionnaires et d'entretenir gratis dans des chambres séparées, un membre de chacune de leurs familles, qui, par vieillesse, maladie ou infirmité», réclamerait le bénéfice de la présente fondation. Ainsi, un homme ou une femme issu de Jean-Adrien Snyers et d'Isabelle-Marie Corbet, mariés à Anvers, et un homme ou une femme issu du père de monsieur De Pouhon Henri-Philippe,  et de sa mère, Marie-Anne Deprez, mariés et décédés à Ensival. Dans le cas où aucun membre de l'une de ces familles ne se présentât, la place qui lui est réservée serait accordée à un second membre de l'autre famille.
Quel que soit l'âge qui sera fixé pour l'admission des vieillards à l'hospice, les parents des fondateurs seront reçus et pensionnés comme vieillards, à l'âge de cinquante ans. Ils seront admis à tout âge pour cause d'infirmités ou de maladie.

   20) Le conseil d'administration de l'hospice-hôpital sera composé de la manière suivante :

A. Du bourgmestre de la commune d'Ensival;
B. Du curé de la paroisse d'Ensival;
C.  Du président du bureau de bienfaisance d'Ensival, ou d’un membre que le collège aurait délégué à cet effet ;
D.  De monsieur le baron Ferdinand del Marmol, d'Ensival, et après lui, d’un de ses descendants ou mari d'une descendante ;
E.  De monsieur Gilles-François Davignon, ancien membre du Congrès et de la Chambre des représentants, ancien fabricant et propriétaire à Ensival, domicilié à Verviers, et après lui, d'un de ses descendants ou mari d'une descendante;
F. De monsieur Aubin Sauvage, de Francomont, et après lui, d'un de ses descendants ou mari d'une descendante;
G.  Do monsieur le notaire de Leau, conseiller communal à Ensival ;
U. De monsieur Pierre-Joseph Houart, conseiller communal et membre du bureau de bienfaisance, à Ensival.
Le conseil d'administration nommera son président.
Le président aura voix prépondérante.
Le conseil ne pourra prendre de décision qu’au nombre de cinq membres au moins.

     21) Le conseil pourra admettre le concours des dames d'Ensival et de Francomont qui voudraient bien se charger de la surveillance de l’une ou de  l'autre branche de service de l'hospice; ces dames auront voix consultative au conseil.

22) A la mort d'un administrateur héréditaire, si les principaux membres de sa famille ne s'entendent pas pour désigner son successeur, le conseil d’administration de l’hospice le choisira parmi les parents de sa descendance, dont la demeure sera la plus rapprochée d'Ensival, dans l'arrondissement de Verviers, et qui présentera le plus de garantie de zélé et d’aptitude.

23) En cas d'extinction de l’une ou des familles dans lesquelles les fonctions d'administrateur de l'hospice sont héréditaires, ou s’il arrivait qu’il ne restât plus de membres de l’une ou de ces familles à Ensival et dans les environs, le conseil communal nommerait aux places d’administrateur qui deviendraient ainsi vacantes, sur une liste double de candidats présentée par la commission d’administration de l’hospice.

Il sera procédé de la même manière par le conseil communal, au remplacement des membres non héréditaires de la commission d’administration
.
24) L'administration nommera le trésorier et l'économe de l’établissement. Elle veillera à ce que la comptabilité et les registres d entrée et de sortie des pensionnaires soient tenus avec beaucoup d'exactitude. Ces registres et ceux de la comptabilité, tenus à jour, seront produits et examinés par le conseil d'administration à chacune de ses réunions. Le procès-verbal de la séance constatera leur régularité.

25) Les titres quelconques et les écritures de l'établissement seront renfermés dans un lieu à l’abri, autant que possible, du vol ou de l'incendie.

26) Chaque année, dans le courant de janvier, la commission de l'hospice remettra à l’administration communale qui, après en avoir fait l’examen , le transmettra è l'autorité supérieure, un rapport sur les opérations de Tannée expirée, sur les entrées et sorties des vieillards et malades, sur les recettes et dépenses et exposera la situation financière de l'établissement.

27) Les clauses et conditions de b présente fondation sont des obligations que monsieur et madame De Pouhon imposent à l'administration de l'hospice et dont ils placent l'observance sous la protection de la loi et de la moralité publique.
Pour l'exécution des présentes, et spécialement pour les notifications de l'acceptation desdites donations, monsieur et madame De Pouhon bon font élection de domicile chez monsieur Jean-Martin Maré­chal, échevin, domicilié à Ensival, auquel ils donnent tous les pouvoirs nécessaires à l'effet de se tenir pour bien et dûment notifié de celle acceptation, pour eux et en leurs noms, lorsque cette acceptation sera dûment autorisée.

Dont acte :


Fait et passé à Ensival, en l'étude, le vingt-quatre août mil huit cent cinquante-huit, en présence, comme témoins, de messieurs Henri-Joseph Lemaire et Simon-Gérard-Joseph Simonis, tous deux tailleurs d'habits et domiciliés à Ensival. Après lecture de cet acte aux parties, elles ont signé avec les témoins et le notaire.

(Ont signés De Pouhon; Thérèse, née Shyers; Henri-J. Lemaire; S.G. Simonis, et C.-J. de Leau, notaire.

 Enregistré à Spa, le premier septembre 1858, volume 403, « folio septante-six recto, case 5°. Reçu en principal et additionnel, deux francs vingt-un centimes.

« Vu trois et demi rôles et deux renvois.
Le receveur (signé) J. Doviller.


Pour expédition conforme :
(Signé) C.-P. De Leau, notaire.









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