Louvain (rue de)

Peltzer Louvain


   Elle joint l’avenue Peltzer à la rue de l’Union, face au parc de la Tourelle ; avec de larges trottoirs et une rangée d’arbres, elle est bordée de villas précédées de jardins. 

   A la création du nouveau quartier des Boulevards, au XIX eme siècle elle reçut le nom de Vieuxtemps.

   Lorsque la place du Congrès fut ornée de la statue de notre célèbre violoniste, elle fut débaptisée et reçut le nom de Vieuxtemps.

   Cela permettait de donner une autre dénomination à la rue Vieuxtemps, car deux artères ne pouvaient lui être consacrées. C’était au lendemain de la guerre 1914-18 ; dans le cadre des honneurs rendus aux cités martyres, cette rue reçut le nom de «rue de Louvain».



Hommage à Louvain




























Herman Vander Linden et le sac de Louvain (août 1914). Le traumatisme d'un intellectuel 


     Dans la littérature historique, mais aussi dans la conscience collective, la Première Guerre mondiale, en Belgique, commence, sur un plan militaire, avec la "Défense" de Liège, qui ne ralentit toutefois pas de manière significative la percée des troupes allemandes en direction de l’Ouest. 

    C’est le premier épisode. Le prélude. En revanche, sur le plan civil, affectif, traumatique, ce fut bien le sac de la ville de Louvain, en août 1914, qui inaugura une longue suite d’exactions, d’atteintes aux civils, mais aussi de malentendus. 

   En effet, depuis toujours, de celui d’Ephèse à celui de Rome, les sacs, moments particulièrement marquants des conflits, par leur crudité, leur causes floues et les déchaînements de violences qu’ils impliquent, sont souvent des jalons indispensables à la compréhension de la guerre telle qu’elle fut vécue par les populations civiles. 

  Mais ces épisodes, violents, soudains et souvent éphémères, sont également l’occasion, pour la presse et l’opinion publique, invention mal définie du XIXe siècle, de se développer et de constituer un pouvoir en lui-même. Le cas de Louvain, en août 1914, est tout à fait atypique. Ville paisible, tranquille, replète, universitaire, et mâtinée de provincialisme, bien que proche de la Capitale, Louvain ne semblait pas destinée à être troublée dans le cours qu’elle semblait suivre. La Belgique, depuis son indépendance, en 1831, à l’exception de quelques contentieux autour de la ville d’Anvers, aux premiers mois de son existence, n’avait jamais été envahie. 

  Théâtre d’opérations privilégié des nations aux XVIIe et XVIIIe siècles, les Pays-Bas méridionaux (future Belgique), devenus une "Barrière" idéale entre France et outre-Rhin, sont, en 1914, réveillés avec fracas.

    Le leader socialiste Emile Vandervelde n’avait-il pas dit que l’invasion allemande avait surpris la Belgique "comme un voleur dans la nuit" ? Le premier larcin s’appelle Louvain. Une cité paisible Août 1914. Ce mois, qui symbolise l’ouverture des hostilités de la Première Guerre mondiale, nous apparaît comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Louvain, ville universitaire depuis 1425 - dont les examens de juillet viennent de se clôturer - en fera les frais. 

   Et de la manière la plus cinglante. Le monde universitaire belge n’a pas encore été touché par les griefs du mouvement flamand. Certes, des lois ont touché les mondes judiciaire et administratif. Mais le monde universitaire semble une tour d’ivoire encore protégée. C’est l’âge d’or d’un petit univers, d’un monde francophone, bourgeois et souvent libéral. Il vit au rythme des promotions, de l’enseignement en langue française et des quelques libations estudiantines annuelles. Ce microcosme coule donc une vie somme toute paisible. 

  Un louvaniste de cœur, Herman Vander Linden (1868-1956), professeur d’histoire à l’Université de Liège, résume à lui tout seul ce que va vivre la cité. Jusqu’en 1914, la vie de ce scientifique rigoureux – qui ne se maria qu’à quarante-trois ans –, austère, de cet homme d’archives, avait été une succession de diplômes, de travaux, de voyages d’étude à travers la France et l’Allemagne, où l’on a poussé à la pointe l’étude des sources historiques, les Quellen. 

  Cette culture allemande, il la porte comme une fleur à la boutonnière. Elle lui a été insufflée par son premier professeur, son aîné d’à peine six ans, l’auteur d’une Histoire de Belgique qui fait encore parler d’elle aujourd’hui, l’historien Henri Pirenne (1862-1935). Comme par un coup commun du destin, ce dernier sera également pris dans les affres de la Guerre de 1914-1918. 

   Ne perdra-t-il pas un de ses fils en 1914 ? Ne devra-t-il pas, en 1916, quitter la Belgique, emmené par l’occupant manu militari, avant d’être incarcéré au camp d’Holzminden, où il dispensera des cours à des prisonniers russes ? Pour ces hommes, pour ces scientifiques, 1914 sera la fin d’une époque, la fin d’une idylle.

   Celle qu’ils ont connue avec l’Allemagne. A l’instar de certains jeunes mariés, qui passaient leur lune de miel au bord du Rhin, ils éprouveront dès lors une sorte de réticence à l’égard de leur point de repère d’hier. Le plus bel exemple de cette rupture avec l’Allemagne est incarné par l’historien Godefroid Kurth (1847-1916), celui-là même qui a formé Henri Pirenne et, en un sens, Herman Vander Linden. Arlonais au phrasé guttural, nerveux, ambitieux et quelque peu mystique, Kurth, qui était avant tout un intellectuel catholique fort bien introduit dans les cénacles politiques, fera son plus beau plaidoyer dans un ouvrage paru trois ans après sa mort : le Guet-Apens Prussien en Belgique, paru en 1919. 

  Citons ces lignes de Kurth, que Vander Linden aurait très bien pu écrire : L’Allemagne n’avait pas en Belgique de meilleur ami que moi. Il me plaît de le déclarer hautement, à l’heure où un pareil aveu peut constituer, en Belgique et ailleurs, un titre d’impopularité […] Ce livre n’aurait jamais vu le jour si la main qui l’a écrit était encore capable de tenir un fusil, et la carrière de l’auteur se serait achevée dans les tranchées de l’Yser. 

  Mais puisque la mort, comme la fortune, méprise les vieillards, on ne s’étonnera pas que, n’ayant pu faire à la patrie l’offrande de mon sang, je lui apporte l’humble tribut de mon témoignage. 

   L’Allemagne n’avait pas en Belgique de meilleur ami que moi Furor Teutonicus Les troupes allemandes occupent Louvain depuis le 20 août, dans un calme relatif. La veille, le 19, Herman Vander Linden, dans ses notes personnelles, avait à peine noté : Quelques heures avant l’arrivée des Allemands à Louvain (19 août), nous avions aperçu quantité de fermes brûlées sur les collines de Pellenberg et de Kessel-Loo, que nous pouvions voir de notre demeure du boulevard de Tirlemont. 

   Ces incendies s’allumaient avec une rapidité extraordinaire. Toutefois, rien ne semble alarmer outre mesure les populations. Mais le 25, tout semble basculer. La rumeur court que les troupes anglaises sont en approche. De plus, l’armée belge effectue sa première sortie en provenance de Malines, en vue d’une contre-attaque. Rapidement, la confusion règne. Des Allemands en garnison à Louvain tirent, à l’aveugle, sur des coreligionnaires venant du Nord.

  La panique envahit la ville. Les Allemands boutent le feu aux Halles universitaires. Chaussée de Tirlemont aussi, où habite Vander Linden. Comment cet homme, frotté depuis sa jeunesse à la culture allemande, pouvait-il envisager ces exactions ? Ce fut un séisme personnel. Sa maison est incendiée au pétrole, la totalité de ses manuscrits est détruite et sa bibliothèque, qui est considérable, part en fumée. Sa famille (sa femme, ses deux enfants) et lui-même sont capturés. Vander Linden vit alors un bien triste périple : il est emmené en train de Louvain à Cologne, où, avec d’autres, il est exhibé à la population en tant que pseudo franc-tireur belge. 

  Après ces macabres festivités, il est ramené en Belgique. Il erre plusieurs jours. Le consul des Pays-Bas à Louvain lui viendra en aide et contribuera à l’emmener à Oxford, où sa famille s’était retirée. 

  Après le conflit, Vander Linden reviendra sur les lieux du sac, avec la journaliste française Yvonne Dusser. Louvain a été, aux yeux du monde, le prélude au martyre de la Poor Little Belgium. S’il restera professeur jusqu’en 1938, le conflit l’aura marqué au plus haut point. Il a changé. Il est fébrile. Un de ses anciens étudiants, l’avocat J.-L. Libert, sans nommer Vander Linden, le décrit comme suit : Il avait ses têtes de Turc favorites, toujours des "cléricaux", car il n’était pas de la lignée de Kurth ; parmi les plus visés, le roi de France Charles X et Jules-Armand, prince de Polignac, son premier ministre qui, dit-on, avait des visions. [...] 

  Ce professeur avait une barbe poivre et sel, le cou décharné, le front dégarni, le solde de sa chevelure légèrement hirsute et, par moment, un tremblement des mains. On disait qu’en 1914 à Louvain (Leuven), sa maison avait été détruite, sa bibliothèque et ses écrits brûlés, que les Allemands l’avaient mis au mur et qu’il avait bien cru être fusillé, d’où son état nerveux. À mon sens, c’était un homme intelligent et sans méchanceté mais manquant de sérénité.














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