Vélodrome (rue du)


               

           Face à la rue Jean Tasté et entre la rue de l’Agolina et l’avenue Reine Astrid, toutes trois sur le territoire de Heusy, avant les fusions, cette rue en direction du Nord, est une impasse. 

         Depuis l’édification du quartier des Linaigrettes elle est reliée à l’avenue de ce nom par un escalier pour piétons. Elle doit son nom à un vélodrome, sis jadis à cet endroit, qui témoignait de l’engouement des Verviétois pour les courses cyclistes. 

         Ce sport sera décrit ici  à propos du quartier du vélodrome à Ensival.







carte vandermaelen 1850
carte ferrari 1779



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LE VÉLODROME/

          Les frères Henri et Jules Huby possédaient un terrain avenue de Heusy (ancienne dénomination avenue rein Astrid) et décidèrent en 1919 d'y construire un vélodrome. 

       Avec l'aide de leur cheval Max, ils nivelèrent le terrain, relevèrent les deux virages et préparèrent la piste.

        Le ruisseau de Mangomboux, canalisé à cet endroit, passait sous la piste. Celle-ci développait 250 mètres à la corde et son premier revêtement était fait de terre battue et de cendrée.

         La réunion inaugurale du "Vélodrome de l'Horloge - Mangomboux" eut lieu le 22 juin 1919 devant pas moins de 4000 spectateurs. 

       L'accès se faisait par l'actuelle rue du Vélodrome. Son directeur était Mr Cornet et il était également géré par Messieurs Huby, Jean Renkin et Honnay, réunis au sein de la 'Société du vélodrome Huby. 

       Les premières installations étaient encore sommaires, mais les têtes pensantes de la Société se promettaient de les compléter au fur et à mesure par des gradins, des banquettes et... des palissades destinées à empêcher les resquilleurs de se rincer l'œil sans avoir payé un sou, comme le nota le chroniqueur de l'époque. 

       Le cyclisme était alors extrêmement populaire, et le public se pressait nombreux aux guichets, mais les frais de fonctionnement n'en étaient pas moins élevés, notamment à cause des cachets dus aux coureurs professionnels dont les contrats se négociaient autour de 250 à 300 francs.

       Il fallait donc songer à varier les courses. C’'est ainsi que naquit en août 1919 l'idée du 'Circuit des Vélodromes' qui devait mener les coureurs de Jehanster au vélodrome de Cerexhe-Heuseux via celui de Mangomboux où ils devaient effectuer dix tours. 

       C'est le français Maurice Brocco (vainqueur des Six-Jours de New-York en 1920, 1921 et 1924), coureur très spectaculaire et bien aimé du public pour ses démarrages fulgurants et sa manière d'animer les américaines, qui remporta le trophée.

















Monsieur Henri Huby tenait également le café 'Le Dôme', situé place Verte. 


Louis Heusghem et Jean Rossius peu avant le sommet du Galibier.
On notera la voiture de la Gazetta delio Sport - Fiat.
Tour de France 1920

        En 1920, le tour de France avait vu (heureuse époque !) le triomphe des couleurs belges avec 7 tricolores aux 7 premières places : dans l'ordre : Philippe Thys, Hector Heusghem, Firmin Lambot, Léon Scieur, Emile Masson, Louis Heusghem et Jean Rossius, l'enfant du pays. 

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       Devançant tous les vélodromes belges et même français (les, tournées des vélodromes constituaient pour les coureurs de l'époque une source de revenus non négligeables), Mr Huby et le directeur du vélodrome Mr Maigrot organisèrent pour eux une tournée d'honneur à Verviers.

       Le 8 août à l4 heures 30, les sept coureurs furent accueillis à la gare de Verviers et emmenés chacun dans une voiture de marque Maxwell (un ami de Henri Huby tenait à Verviers la concession de cette marque américaine) au café 'Le Dôme' où eut lieu une petite réception. A 17 heures, le cortège rejoignit le vélodrome de Mangombroux où les 7 coureurs effectuèrent une course individuelle de 50 kilomètres au grand plaisir du nombreux public présent (plus de 3.000 personnes)! 

      C'est bien entendu le local Jean Rossius qui remporta la course, dont les prix ne sa composaient pas seulement d'argent, mais aussi de cinq énormes 'doreyes' offertes par une admiratrice locale ! 

    La semaine suivante, la réunion accueillait rien moins que les vedettes françaises François Pélissier et Maurice Brocco.

   Mangombroux avait vraiment fière allure et excellente réputation.



Un public nombreux, des installations rudimentaires, un orchestre pour l'ambiance et des coureurs spectaculaires donnant le meilleur d'eux-mêmes sur une piste de terre battue... il n'en fallait pas plus pour déchaîner l'enthousiasme des foules en 1919



      L’existence d'un tel outil permit évidemment de faire éclore quelques talents comme Willy Polis (1903-1979), révélé en août 1919 à l'âge de 16 ans lorsqu’il remporta deux courses de débutants coup sur coup (163).

     
Jean Rossius
D'autres coureurs régionaux s’attirèrent bien vite les faveurs du public : Jean Rossius (originaire de Jupille et vainqueur d'une étape du Tour de France 1919), champion de Belgique sur toute en 1919, Dieudonné Gauthy (originaire de Pepinster), Joseph Lemaire (4 me du Tour de France) et bien d'autres.


163 la carrière brillante se terminera prématurément en 1926 quand il refusera d’accepter pour une américaine   un équipier qu'il estimait inférieur à lui

     










       Il y avait aussi beaucoup de figures truculentes, des coureurs qui alliaient un talent certain avec une bonne dose de folklore comme Henri Denooz, surnommé Madelon, qui décuplait ses efforts à chaque fois que la fanfare entonnait la célèbre marche militaire. 

       Tout aurait pu donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes cyclistes, mais le vélodrome de Mangombroux subit en janvier 1921 un fâcheux contretemps : une crue du ruisseau ( une de plus !) provoqua l'affaissement et l'éboulement du virage côté Verviers et causa quelques soucis aux propriétaires qui virent affluer les plaintes des riverains en aval craignant les inondations. 

     Puisqu'il fallait réparer, se dit-on, autant d’en profiter pour embellir les installations et les rendre dignes des plus grands vélodromes belges. Mais où trouver les fonds ?


action émise le 4/12/1920 lors de la constitution de la SA vélodrome
de Verviers  coll. R Freyens


   Un plus tard, c'est la Société Anonyme 'Vélodrome de Verviers' qui prit en charges  les destinées du 'track' de Mangombroux à partir du 1 janvier 1921. Ses administrateurs étaient Oscar Rensonnet, Jules Huby, Louis Lambert et Edouard Migrot : le public pouvait soutenir l'opération en acquérant l'une des 2.000 actions valant cent francs.
    


        Le siège social de la nouvelle société était situé non pas à Mangombroux, mais au café du Dôme sur la place Verte. L'une des premières réalisations de la Société Anonyme fut d'élargir la piste et d'en modifier le revêtement.
       Le ciment dont elle fut recouverte la rendit encore plus rapide. Aussi étonnant que cela puisse paraître, les travaux furent réalisés par une société de... diamantaires anversois logés dans la famille Huby.            

      Les lignes droites étaient maintenant incurvées afin d'améliorer la vitesse de la piste dont la longueur était toujours de 250 mètres à la corde. Les virages étaient inclinés à 45 ° et la largeur de la piste avait été portée à 6 mètres 10.. Un tunnel fut aménagé sous le virage EST et ressortait juste après la ligne d'arrivée.

      Les mauvaises langues disaient qu'il avait été aménagé ainsi pour absorber les crues du ruisseau qui avaient provoqué l'effondrement. On construisit aussi des tribunes en béton,

     Les premières situées le long de la route et les populaires à flanc de colline. L'ensemble, comportant trois buvettes, pouvait selon les journalistes de l'époque accueillir entre 12.000 et 15.000 spectateurs, faisant de Mangomboux l'un des plus beaux vélodromes de Belgique.

      On prévoyait même d'asphalter la pelouse centrale pour permettre la pratique d'autres sports (lesquels ?), mais ce projet ne vit jamais le jour.
Même modernisées, les installations restaient modestes. Il est vrai que la violence des stades n'existait pas encore, au contraire de l'incivisme des spectateurs qui n'hésitaient pas à 'garnir' les gradins de leurs papiers gras.
          L'inauguration du 'nouveau' vélodrome eut lieu le dimanche 17 avril 1921 lors d'une somptueuse réunion qui attira à Mangomboux entre 4 et 5.000 spectateurs, parmi lesquels des délégués de la Ligue Vélocipédique Belge qui assistèrent tout d'abord au baptême de la piste par un champion... motocycliste répondant au pseudonyme de Racso. 

       Le programme comportait des courses pour professionnels, mais aussi une nouveauté, la Course du Brassard réservée aux débutants. Le vainqueur de cette course recevait une allocation hebdomadaire mais devait mettre son titre en jeu tous les jeudis soirs devant tous les compétiteurs de sa catégorie qui souhaitent l'affronter. 

      Parallèlement aux meetings habituels, le vélodrome devint aussi le théâtre d'arrivées de courses sur route (dont Bruxelles-Verviers pour vétérans et même de matches de boxe et d'une démonstration de cosaques à cheval.


la table des officiels

         Mais les beaux jours du vélodrome de Mangombroux étaient déjà révolus. Mis en liquidation à la fin de Tannée 1924; il fut tout de même rouvert le 26 avril 1925 non sans avoir fait effectuer des travaux sur la piste et sans avoir profondément modifié sa structure administrative : la direction administrative restait aux mains des trois liquidateurs (Jules Huby, Jules Rensonnet et Fernand Glesner).

       La direction sportive était confiée au palais des Sports de Bruxelles qui allait amener un 'track', comme on disait à l'époque sans encourir les foudres des puristes de la ligue française, des courses d'un bon niveau, mais jamais les courses internationales qui furent un instant annoncées dans la presse. 

      Celle-ci se plaignait d'ailleurs régulièrement du manque d'égards dont les journalistes semblaient souffrir. 

     Lors d’une réunion organisée le 7 juin 1925, Albert Desmet battit le record de la piste en couvrant les 5 kilomètres en 7 minutes 16 secondes 4/10, réalisant ainsi une moyenne de 41,250 km/h. 

    En 1926, une nouvelle direction, avec à sa tête Mr Foulon, tenta de redonner à la piste un nouveau souffle, mais dut faire face à de nombreuses difficultés.

    Le public répondait pourtant toujours présent (de 2000 à 2500 spectateurs en moyenne), mais il devenait de plus en plus difficile d'attirer les grands noms susceptibles d’attirer les foules, car les coureurs étaient souvent déjà engagés par d'autres vélodromes plus prévoyants. 

     Certains directeurs acceptaient tout de même de 'prêter' des coureurs à Mangombroux, ce qui permit à notre vélodrome de survivre quelques temps encore. 

     Le vélodrome lui-même fut suspendu au mois de septembre. La dernière réunion importante semble avoir eu lieu le 5 septembre 1926 et vit la victoire de Willy Polis sur Norbert Baudoux qui devait avoir l'occasion de prendre sa revanche la semaine suivante. Cette réunion fut annulée pour cause de pluie et reportée au 26. Ce jour-là, Baudoux ne se présenta pas, mais le reste de la réunion se déroula comme prévu.









Le vélodrome de Mangombroux servait parfois pour de courses sur route, comme en témoigne cette photo de Levieux (notez les deux gourdes) accueilli après une belle victoire par le speaker du vélodrome. Celui-ci, surnommé le haut- parleur se déplaçait à chaque réunion de Bruxelles ! 





       

         

         

         Le vélodrome reprit pourtant ses activités en 1927 avec plusieurs réunions importantes, voire prestigieuses, qui attirèrent parfois la toute grande foule (5.000 spectateurs le 7 août !). Mais ce succès constituait son chant du cygne : la dernière réunion eut lieu les 4 et 5 septembre 1927. Mangombroux ne pouvait plus rivaliser avec ses concurrents, les cachets à payer aux vedettes devenaient trop importants et une nouvelle ère s'ouvrait, réservée aux vélodromes couverts. Les installations du vélodrome furent utilisées après l’arrêt des activités par Mr Jules Huby fils pour le dressage de chiens, mais le terrain fut rapidement mis en vente par parcelles. Avec l’abattage des ormes et la construction des maisons, l'avenue Reine Astrid perdit définitivement son aspect champêtre. Seule une impasse témoigne encore de la splendeur du vélodrome à jamais révolue.










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