Verviers et ses rues



                            I. - LE NOM DES RUES : UN APPORT CULTUREL

               La connaissance du sens des noms donnés aux rues, suscite un sérieux apport culturel aux habitants de la cité. Si les dénominations (et ceci n’est pas spécifique à Verviers) ne procèdent pas toujours d’un éclectisme avisé, elles présentent néanmoins l’avantage d’offrir la plus grande diversité.

             Comme cela ressort du chapitre intitulé 
                       « où choisit-on le nom des rues ? »,

 leur dénomination affecte complètement tous les aspects de la vie d’une Cité : social, politique, économique, religieux, philosophique, régional, scientifique, artistique, littéraire, historique, archéologique, industriel, commercial, etc.

            Sans doute, cet enrichissement du lecteur différera-t-il de l’un .1 l’autre, depuis la simple lecture de la plaque indicatrice jusqu’au recours aux travaux spécialisés en archéologie et histoire.

                            2. - OÙ CHOISIT-ON LE NOM DES RUES ?

            La dénomination des rues va de l’anarchique fantaisie à la réglementation stricte et précise, en passant par une phase flottante.

             Expliquons-nous. Il y a une étonnante analogie entre le processus des noms île personnes et celui de la dénomination des rues. Tous deux doivent s’étudier : sous l’ancien régime et depuis la Révolution française. Hormis le nom de baptême, le prénom, qui est consigné dans les registres paroissiaux, le nom relève de la fantaisie et n’est l'objet d’aucune réglementation.

             La plupart du temps, le nom est un sobriquet. L’aspect physique : Legrand, Legros, Petit, Lenain, Leroux, Leblanc, Lenoir, etc. La profession : Charpentier, Lefèbvre (forgeron), Boulanger, Boucher, etc.

            L’origine : Lallemand, Defrance, Liegeois, Deherve, etc. Il n’y a pas d’orthographe imposée ; l’on peut changer de nom, soit soi-même, soit d’une génération à l’autre.

         Le régime français crée l’Etat-civil : l’orthographe est fixée; il est interdit de changer de nom et les exceptions relèvent des tribunaux, sur la base d’une législation précise. Mais quittons l’onomastique pour en venir aux rues, objet de notre étude. Là aussi, sous l’ancien régime, c’est la fantaisie puis la réglementation, dès le régime français.

         Sous l’ancien régime, les appellations des rues émanent des habitants et non de l’Administration. La plus ancienne dénomination consiste à évoquer la direction où conduit la rue en cause ; c’est le chemin vers telle localité et nous trouvons ainsi nos rues de Heusy, Stembert, Limbourg, Ensival, Dison, etc.

         Les accidents géographiques sont aussi une source d’inspiration : rue Haute, Longue, Courte, Basse, Montagne, Colline, Rivière, etc. Le nom d’un propriétaire ou d’un locataire principal sert à désigner la rue dont sa propriété est riveraine.

         C’est surtout le cas des cours et impasses. Le voisinage d’un édifice provoque les nombreuses places ou rues de l’Eglise, de l’Hôtel de Ville, du Palais (de Justice), du Moulin, de la Gare ; le nom du saint patron d’une église est donné à une rue voisine ; la maison natale d’une célébrité locale, etc.

         L’enseigne d’une boutique justifie le nom de toute la rue. La topographie, nature du sol, etc., suscitent des noms comme Heids, Brou, Xhavée, Couvalles, Foxhalles, etc. A l’époque où les artisans d’une même profession se groupaient dans une même rue, celle-ci portait le nom de la corporation : rue des Drapiers, des Tanneurs, des Foulons, des Fripiers, des Bouchers, etc.

          Mais, comme pour les noms de famille, le régime français mit fin à la fantaisie ; il intervient pour éviter la confusion entre rues portant le même nom ; il interdit toute modification de dénomination des rues ; ce n’est plus la population mais l’Administration qui décide du nom des rues ou de leur éventuelle modification.

        Par exemple, le Préfet Demousseaux, à Liège, impose « l’indication du nom des rues à leurs extrémités» (28 Nivose, an X = 18 Janvier 1802).

       Ainsi, dès le 19e siècle, le problème du nom des rues ressort de la compétence de l’Administration ; l’autorité communale est confirmée (A.R. 18 décembre 1910) dans son pouvoir exclusif de dénommer ou de changer le nom des rues.

      Comment agirent-elles ? Tout d’abord, la plupart du temps, elles légalisèrent les anciens noms, ce qui est heureux sur le plan de l’histoire locale et du folklore. Pour l’ouverture des nouvelles rues (si nombreuses en notre cité au 19e siècle), elles recoururent parfois à des noms préexistant (Hougnes), mais surtout à celui de personnalités, locales ou nationales, qu’elles veulent honorer.

      Au 19e siècle, l’on affectionna particulièrement les noms d’institutions dues à notre indépendance (régence, congrès, loi, constitution, commune, etc.} ou d’abstractions en l’honneur à l’époque (paix, liberté, enseignement, progrès, union, etc )

       Enfin (et nous y consacrons plus loin une rubrique) les événements militaires (1914-18) ont inspiré le nom de plusieurs de nos artères. Revenant sur le cas des rues portant le nom de concitoyens jouissant d’une certaine célébrité, on les recrute dans les milieux les plus divers : l’art (littérateurs, musiciens, peintres, etc.), science (histoire, sciences naturelles), découverte (inventeurs), industrie, générosité à l’égard de ses concitoyens (hommes d’œuvres, mécènes, fondateurs d’hôpitaux, etc.) défense des travailleurs (syndicats, mutuelles, etc.) mandats politiques (échelon local ou national), histoire (souverains, événements glorieux), etc.

     Le choix de ces personnalités est naturellement influencé par l’époque et les tendances qui les caractérisent, aussi, s’étonnera-t-on de trouver une rue rappelant le souvenir de tel concitoyen alors que tel autre, paraissant plus digne de passer à la postérité, a été oublié ; cela est inhérent à notre pluralisme, et donc fatal. En général, d’ailleurs, l’objectif est atteint, par delà les imperfections inhérentes à toute chose : comme l’écrit Albert-Edouard Janssen (1883-1966), ministre d’Etat : « chaque vie d’homme qui s’éteint est un livre dont les feuillets sont trop souvent dispersés à jamais.

     Tout passe, tout s’efface, hors le souvenir ». Et ici, le souvenir est stabilisé. C’est un bien ; tant mieux



                                 3. - AMENAGEMENT DES RUES

              Au cours des temps, les rues passent par différentes phases. Il y a d’abord leur tracé primitif, irrégulier. Simple chemin, la rue devient plus carrossable ; elle est nivelée puis pavée. Vient ensuite son équipement. Des trottoirs aussi appelés « collières », protègent mieux le piéton que les bornes qui, telles à la place de la Brassine, empêchaient les véhicules de raser les maisons. Les égouts drainaient les eaux qui s’écoulaient sur la voie même (1880).

 

 L’obscurité est vaincue par de timides éclairages : à l’huile grasse (avant 1833), au gaz (dont la première usine fut installée rue du Gymnase en 1833), et enfin par l’électricité qui en 1916 fit une heureuse apparition dans nos rues.

            




     
   Face au charroi individuel, apparaît le transport en commun : le premier tram à cheval (1884) et le premier tram électrique (1900), dont le réseau vient de faire place au service d’autobus. La mise en autobus du réseau électrique des Tramways Verviétois à Verviers, s’est faite progressivement du 19 avril 1956 au 31 décembre 1969.

           Le 1er janvier 1970, il ne circulait plus de tramways à Verviers, mais exclusivement des autobus. A la Société anonyme des Tramways Verviétois, arrivée à fin de concession le 31 décembre 1960, a succédé la Société des Transports Intercommunaux de l’Agglomération verviétoise (S.T.I.V.) dont les bureaux, dépôt et atelier se trouvent 35, rue des Champs à Stembert. Les rails sont extirpés du sol et des recouvrements hydrocarbonés remplacent les rudes pavés. * * *

         Au fur et à mesure que l’aménagement des rues passe de la phase de la liberté à celle de l’organisation, les autorités responsables sont confrontées avec maints problèmes importants : - ce fut d’abord les abus de charrois, les empiètements sur la voie publique par les riverains et ceux des charrons sur la propriété privée, les alignements de façades ; le nettoiement vint avec le progrès ; l’installation des égouts remplaçant les ruisseaux à ciel ouvert ; l’installation des pompes pour l’eau ménagère, avant la distribution d’eau de la Gileppe (1878) ;
à ce propos, on évoquera les fontaines (aujourd’hui disparues), don de Montefiore-Levi, qui joignaient l’ornementation à l’utilité et permettaient de se désaltérer, suivant sa hauteur, au chien, au cheval et à l’oiseau, sans oublier... l’être humain.

       


              Enfin, le souci d’esthétique engendre la législation sur l’urbanisme. L’accroissement de la circulation, due principalement à l’extension rapide de la traction automobile, suscite diverses règlementations: sens unique, passages pour piétons, limitation de vitesse, artères réservées aux piétons, etc. C’est la rançon de la vie moderne.

                            4. - LES PLAQUES INDICATRICES

        Le problème des plaques indicatrices, généralisées à Verviers vers 1842, est complexe 
il revêt maints aspects : forme, dimension, teinte, position, emplacement et surtout un point primordial, le libellé. L’optique du piéton ou de l’automobiliste diffère concernant lu hauteur à adopter ; noir sur blanc semble le plus lisible ; faut-il une plaque murale, comme en ville, ou bien un poteau, comme aux boulevards ? Il y a encore le système que nous avons apprécié a Herstal : une plaque suspendue, comme une enseigne, à une flèche apposée perpendiculairement contre la muraille ; le passant lu voit dans le sens de sa marche.

         Mais le point qui laisse le plus à désirer, est le libellé. En effet, la plus grande fantaisie règne dans ce domaine et notre critique constructive ne se limite pas au cas de Verviers seul, mais bien à l’ensemble des villes du royaume. Une rue reçoit le nom d’une personne que l’on veut honorer l'objectif consiste donc à en rappeler le souvenir aux passants.

        Or, laconisme incompréhensible et illogique, on limite l’inscription à un seul mot : le nom. Des exemples : rue Herla, Courtois, Lejeune, Libon, Masson, etc ; sans prénoms, ni millésime de naissance et de décès ; sans l’indication de la qualité : artiste, homme politique, industriel, savant, etc.

        Aussi, l’ensemble des passants ignorent quel est le personnage que l’on a voulu commémorer, et cette ignorance va croissant, au fur et à mesure que l’on s’éloigne dans le temps, de l’époque où vécut l’intéressé.

        L’absence de prénom ne se justifie qu’exceptionnellement, lorsque l’on a voulu rappeler le souvenir d’une famille ; c’est le cas, notamment, de la rue Biolley qui évoque l’ensemble des membres de cette famille industrielle et c’est le cas également de l’avenue Peltzer qui rappelle le rôle joué par cette famille dans l’aménagement du quartier des boulevards.

         Mais, ceci étant dit, toute plaque indicatrice devrait mentionner : nom, prénom, année de naissance et de décès, qualité. Il y en a déjà plusieurs qui sont conçues sur cette base ; citons les rues Deru, Gomzé, la place Burguet, etc. En conclusion, nous soulèverons l’emplacement des plaques ; généralement, elles se trouvent en début et en fin de rue.

       Sans tenir compte de l’aspect financier, on voudrait en voir aussi lorsqu’une rue débouche au milieu d’une autre. Exemple : le passant qui, de la rue Laoureux, débouche sur Crapaurue, ne peut savoir s’il y est, qu’en descendant ou en remontant celle-ci jusqu’à la plaque initiale ou finale, et il en est souvent ainsi. Faisons confiance à nos édiles pour une rénovation judicieuse de toutes les plaques.

              5. - UN PROBLEME D’ORTHOGRAPHE : LE TRAIT D’UNION

     Le trait d’union - qui, par définition « unit » - cause ici une certaine « désunion » entre les grammairiens ; grammatici certant.

     La dénomination d’une rue formée d’un patronyme précédé d’un prénom ou d’un titre doit-elle s’orthographier au moyen d’un trait d’union qui relie les deux composantes ? Dans le même ordre d’idée, quid des nombreux noms de saints (ou de saintes) : faut-il mettre un trait d’union entre le mot « saint » et le nom du saint ? Quid aussi des mots doubles ou triples ; tels que place du 20 Août à Liège ou notre « thier Mère Dieu » ?

       Les érudits qui se sont penchés sur ce problème relèvent qu’en France, le trait d’union appartient à l’usage ordinaire, et de citer, pour Paris : cours Albert-Ier, rue Jean-Jacques-Rousseau, rue du Cardinal-Lemoine, boulevard Victor-Hugo, rue du Général- Beuret, etc.

       Par contre, l’on trouvera : rue St Lazare, rue Aristide Briand, rue de la chaussée d’Antin, etc. En résumé, en France, nous trouvons des avis divergents en la matière, et l’on précise que l’emploi du trait d’union vient de l’Administration des Postes qui l’imposa pour sa classification, en classant, par exemple, rue Saint Antoine, à la lettre « S » et non à « A », d’où la graphie « Saint-Antoine ».

       En Belgique, nos grammairiens diffèrent aussi d’avis ; à Liège, les noms de saints sont reliés entre le mot « saint » et le nom du saint, par un trait d’union : rue Sainte-Croix, Saint-Pierre, Saint-Hubert, Saint-Paul, Saint-Séverin, Sainte-Marguerite, Saint- Jean-en-Ile, etc. et aussi : rue du Vert-Bois, rue Eugène-Ysaye, etc.

       Notre avis sera influencé par notre éminent concitoyen Fernand DESONAY, professeur à l’Université de Liège (né à Stembert qui lui a consacré une rue) et Membre de l’Académie royale de Belgique, qui préconise le trait d’union ; c’est la raison pour laquelle nous avons recouru, dans le présent ouvrage, à l'emploi du trait d’union. Monsieur le professeur André GOOSSE, de l’Université de Louvain, Président de la Section wallonne de la Commission loyale de Toponymie et Dialectologie, a bien voulu nous dire qu'à part le cas de Saint-Antoine, etc.

       L’usage dans les noms de rues n’est pas vraiment fixé ; il a l’obligeance de nous remettre,


                    6. - NUMÉROTATION DES HABITATIONS


                Dans ce domaine, l’on va aussi du néant à la réglementation.

       A l’origine, les rares maisons sont aisément repérables pour quiconque veut s’y rendre. Au fur et à mesure qu’un bourg s’agrandit, ses bâtiments sont numérotés de 1 à l’infini, mais pour tout le bourg. Par après, la numérotation se fait pour chaque rue, pair et impair, suivant le côté, et en partant, comme progression, du centre de la ville, c’est-à-dire de l’Hôtel de Ville. Une anecdote à ce sujet : lorsque Johann Maria FARINA établi à Cologne, lança sa célèbre eau de Cologne, il lui donna le nom de «4711», qui était le numéro de son domicile à Cologne, numéro établi pour toute la ville, et non par rues. Mais, revenons à Verviers. La numérotation des bâtiments par rue y date de 1842. Sur leur papier à lettre, les négociants continuent encore longtemps à indiquer l’ancien numéro (ville) et le nouveau (rue) ; une habitude ne disparaît pas si rapidement. Actuellement, comme nous y faisons allusion à propos des cours et impasses, la numérotation de la rue où celles-ci débouchent leur est appliquée. Exemple : un habitant de l’Enclos des Récollets voit sa maison porter un numéro compris dans ceux de la place du Martyr ; idem pour la Cour Renand par rapport à Crapaurue, etc. En fait, ces cours et impasses qui sont souvent en voie de disparition matérielle, sont à la veille d’être pratiquement rayées nommément de la liste de nos rues.

                                            7. - ORIGINES DE VERVIERS

             Aussi surprenant que cela paraisse, écrire l’histoire d’une petite localité est, pour l’historien, une tâche plus ardue que celle qui consiste à écrire l’histoire d’un grand pays, et cela même en remontant aux temps les plus reculés.

           Verviers n’est pas Babylone, ni Memphis, ni Carcassonne ; le hameau primitif ne fut pas assez important pour être cité dans les écrits que nous ont conservés les archives. De plus, il ne s’y trouve aucun monument attestant son existence dans l’antiquité. Comment alors travaillent les historiens sérieux et prudents ? Tous utilisent les archives que le temps a épargnées, au fur et à mesure qu’ils en ont connaissance.

           Mais alors, face à l’absence d’archives, serait-ce le néant absolu ? serait-il possible de pénétrer dans les siècles les plus éloignés ? Non, car chacune de ces deux périodes (avec archives ou sans archives) a sa façon propre d’être étudiée. Là où les archives font défaut, le spécialiste recourt à trois sources : la toponymie, riche source d’indications d’époque, - l’archéologie, dont les fouilles livrent des vestiges bien précis d’une période bien déterminée - l’histoire qui, par une analogie prudente, permet des comparaisons justifiées et valables.

          A la lueur de ce rappel préliminaire, résumons ce qui a trait à Verviers. Déjà mille ans avant J.C., le long des rivières, il y eut des hameaux dans l’« Arduenna silva » qui subirent plus tard les infiltrations romaines et germaniques.

          Des toponymistes avertis, comme Jules Feller, en font une démonstration ; des fouilles, à Verviers et aux environs, nous ont livré des vases funéraires " voir le titre « quai des Maçons ») attestant une présence antérieure à celle que nous livrent les écrits au-delà de 650 environ, par la fondation, due à Saint Remacle (cfr. cette rue), des abbayes de Stavelot et de Malmedy, et du premier oratoire dédié à Saint Remacle, sur la place du Marché.

          Nous avons été excessivement prudents en matière d’étymologie et de toponymie, en ne retenant que ce qui est admis comme valable par les spécialistes. Le nom original est le wallon VERVI, francisé en VERVIER, MU 12e siècle, auquel fut ajouté le « S » final.

        Son origine paraît remonter au celtique ou gaulois des anciens belges. Il dérive de Virovius, nom propre du propriétaire d’un fonds : Viroviacum, d’un gaulois ou gallo-romain (Feller). C’est la même étymologie que l’on donne à la ville frontière Franco-belge de Wervicq.

         Des chartes stavelotaines font état des formes « WIRIA » (814) et « VUIRIA » (950). On sait que la toponymie, c’est-à-dire la science qui a trait aux noms de lieux, date d’un siècle seulement ; on la doit à l’historien < Godefroid Kurth. Il serait fastidieux, dans le cadre restreint de ce site de détailler les études consacrées par des spécialistes (cités à notre bibliographie en appendice) au nom de notre cité.

                       9. - L’INDUSTRIE LAINIERE A VERVIERS

         Contrairement à l’opinion de certains auteurs, il s’avère aujourd’hui que l’industrie drapière dans notre cité n’est pas antérieure au 15e siècle. Elle s’organisa librement, sans connaître les corporations de métiers. Il semble bien que la qualité supérieure de nos tissus soit due aux eaux des Fagnes qui se déversent dans la Vesdre ; sans aucune influence étrangère, nos ancêtres ont créé et perfectionné la draperie pour l’écouler d’abord aux travailleurs des hauts- fourneaux du pays de Franchimont.

        Les octrois de coup d’eaux pris dans la Vesdre pour faire tourner les fouleries vont crescendo au 15e siècle. Au 16e siècle, l’industrie est encore exercée par de nombreux modestes artisans. Au 17e siècle, l’industrie entre dans une phase plus moderne que l’on peut qualifier de capitaliste : le fabricant se sépare du marchand et le- manufacturier utilise une masse de prolétaires ; une concentration s’opère et beaucoup de moulins à foulon n’ont plus qu’un seul propriétaire.

         D’âpres rivalités commerciales opposent le pays de Liège et les Pays-Bas, aux 17e et 18e siècles. Des fabricants Verviétois émigrent à Hodimont, pays de Limbourg. Des conflits sociaux surviennent, tondeurs et tisserands étant unis dans la lutte, à la fin du 18e siècle.

         Enfin, le 19e siècle sera l’âge d’or de notre industrie que le 20e siècle mènera à son déclin, après cinq siècles de progrès. La bibliographie renseigne les nombreux ouvrages qui sont consacrés à notre industrie au cours des siècles.

                                 10. - PLANS ET CARTES DE VERVIERS

       Sans doute existent-ils de nombreux plans de la ville, répandus dans le commerce ; ils sont diversement valables et perdent de leur actualité au fil des ans (nouvelles rues, etc.). Par contre, il existe d’anciens plans d’une grande richesse documentaire pour l’archéologue et l’historien ; ils restituent la physionomie de la cité, à une époque déterminée.

       Citons plus particulièrement : - En 1764, P. Simonon, géomètre et arpenteur juré, notaire et réducteur de rentes, établit un plan de Verviers. - En 1811, Halkin, conducteur des ponts et chaussées, établit un plan de Verviers, sur ordre du Maire Rutten. - Atlas cadastral de Belgique - province de Liège - arrondissement de Verviers, canton de Verviers - plan parcellaire de la Ville de Verviers, avec les mutations - publié avec l’autorisation du Gouvernement, sous les auspices de Monsieur le Ministre des Finances, par P.C. POPP, ancien contrôleur du cadastre, membre de l’Académie nationale de Paris, Etc.

      Cet atlas (échelle 1/5.000) est d’une rare précision : les surfaces bâties y apparaissent très visibles. Non daté, il peut se situer vers 1870. Du même éminent cartographe, on consultera utilement : Développement de la ville de Verviers (intra muros) échelle 1/1.250.

       Carte topographique et chrono graphique de la Ville de Verviers et de ses environs, dressée et dessinée par F. Müllendorff - Verviers 1882 -Dessain, Liège - Cette carte est précieuse parce qu’elle est « chrono-graphique » en ce sens qu’une couleur différente désigne les bâtiments, suivant qu’ils existaient en 1760 ou ont été élevés respectivement en 1760-1830, 1830-1865 ou 1866 à 1882, sans égards aux reconstructions.

                   11 - QUELQUES DATES DE NOTRE HISTOIRE

          Il n’est pas dépourvu d’intérêt de rappeler sommairement quelques dates relatives à l’histoire de notre pays et de notre région, car elles ont une incidence sur les faits qu’évoquent les noms de nos rues. Le marquisat de Franchimont échut à la principauté de Liège vers le milieu du lie siècle et continua d’en faire partie jusqu’à notre rattachement à la France (1er octobre 1795).          
Le comté de Limbourg, constitué au 11° siècle, devint duché au siècle suivant et subit les différents régimes de nos provinces (autres que Liège) jusqu’au susdit rattachement à la France, où le sort du Limbourg comme de Liège devint le même.
On lira sous le titre « HODIMONT » des précisions sur cette localité, située au duché de Limbourg et qui n’était séparée de Verviers, pays de Franchimont, que par le ruisseau de Dison.

-      12° siècle : constitution des principautés féodales; châtellenie de Franchimont et comté de Limbourg.

-      1280 : la Maison de Limbourg s’éteint dans les mâles.

-      1288 : guerre de succession et victoire de Jean I, duc de Brabant, à Woeringen ; le duché de Limbourg est uni désormais au Brabant.

-      1387 : régime bourguignon.

-      1555-1713 : pouvoir espagnol.

-      1714-1794 : pouvoir autrichien.

-      1789 : révolution brabançonne.

-      1790 : retour des Autrichiens.

-      1794 : défaite des Autrichiens à Fleurus et passage à la France.

Pour le pays de Franchimont, les événements nationaux ont l’incidence suivante :

-      18 août 1789 : Fyon prend le pouvoir à Verviers.

-     19 janvier 1791 : les Autrichiens (entrés à Liège le 11 janvier) rétablissent également à Verviers l’ancien ordre des choses.

-     6 novembre 1792 : la victoire de Jemappes ramène les Français dans la Principauté ; le pays de Franchimont est rattaché à la République française.

-      10 mars 1793 : ayant chassé les Français du pays de Liège, les Autrichiens rentrent à Verviers ; le 2 janvier 1794, ce sera l’exécution de Grégoire Chapuis.

-      18 septembre 1794 : vainqueurs à Fleurus, les Français rentrent à Verviers. Le 1er octobre 1795, la Convention vote notre rattachement à la France. P. David est nommé maire, avec adjoints François Simonis et Louis de Damseau.

-      1804 : Napoléon est couronné Empereur ; P. David refuse d’être renommé maire (1808) et est remplacé par J.T. Rutten.

-31 mars 1814 : réunion de la Belgique à la Hollande.

-     1814 et 1828 : réception du roi de Hollande Guillaume 1er et banquet, en son honneur, à l’Hôtel de Ville.

-     1830 : P. David qui a remplacé le maire Rutten, encourage les volontaires en leur confiant la bannière franchimontoise ; c’est l’indépendance.

-      1833 : le roi Léopold et la reine sont reçus à l’Hôtel de Ville, par le bourgmestre P. David, et un peu plus tard, ce dernier décédait accidentellement.




Le Prince-Evêque Maximilien de Bavière octroi le 4 décembre 1651 les droits et privilèges de Ville à Verviers.



 














ARMOIRIES :

Elles tirent leur origine des trois branches de chêne garnies de leurs glands (17e siècle) complétées par la suite, par les armoiries du marquisat de Franchimont, les trois lions.
 En 1898, la Ville de Verviers obtint confirmation de ses anciennes armoiries, à savoir : coupé, en chef ; d’argent à trois lions de simple, posés deux et un, couronnés d’or armés et lampassés de gueules ; en pointe : aussi d’argent, à la branche de chêne au naturel, englantée d’or ; l'écu surmonté d’une couronne murale d’or.

DRAPEAU :

Originaire des couleurs franchimontoises, le drapeau de Verviers, devint officiellement en 1830 : vert et blanc, cette dernière couleur étant attachée à la hampe.

                         


                     13. - HYDROGRAPHIE


Un rappel de l’hydrographie de la ville permet de mieux comprendre les noms de certaines rues, quais ou ponts.

La Vesdre traverse Verviers d’Est en Ouest et elle est franchie aujourd’hui par divers ponts. 
       Depuis plusieurs années, on projette de couvrir la rivière et, au moment où nous écrivons ces lignes, un projet d’une voie de pénétration au cœur de la ville (Saucy aux Récollets, partie voûtée, taille dans le roc, etc.) soulève de violentes controverses. Pour le passant, la Vesdre ne reçoit plus d’affluents à Verviers, car ceux-ci furent canalisés ou voûtés, au cours des temps, mais ils ont laissé des traces dans la survivance de dénominations de « ponts » là où le passant n’en voit plus.

        Le ruisseau de Mangombroux, en Sécheval, a laissé le nom de rue du Pont ; le biez de Dison se jette dans la Vesdre proche le pont Dicktus, etc. Mais, l’incidence la plus marquée sur les ponts, quais, etc., (qui n’existent plus à ce jour, que dans leur dénomination survivante), est due au « Canal des Usines » qui doublait au Sud, le cours de la Vesdre, parallèlement à cette rivière, d’Est en Ouest ; nous lui consacrons une rubrique spéciale.

                                   14. - LES PONTS A VERVIERS

            Pour comprendre notre Cité, il faut établir une distinction entre les endroits où il n’y a plus de cours d’eau et ceux où réellement un pont franchit la rivière. Les premiers résultent de la canalisation ou du comblement qui ne laissent plus apparaître de cours d’eau.

          Les seconds se limitent à la Vesdre, dans son cours à travers la ville, venant de Dolhain vers Pepinster. La plupart de nos ponts ne sont pas revêtus de plaques indicatrices ni de mention, si fréquente ailleurs, donnant le nom de la rivière : « La Vesdre ».

         Ils n’ont donc pas de nom, ou portent la dénomination de la rue qui les franchit ; cela est le cas le plus fréquent. Ceci étant dit, énumérons nos ponts d’Est en Ouest :
a) Renoupré, qui en son milieu constitue la limite entre Verviers et Andrimont ;

b) de l’Epargne ;

c) Marie-Henriette (jadis Louise) ;

d) de Hombiet ou Dardanelle ;

e) « Al Cutte » ou d’ Andrimont ;

f) Passerelle au Nord de la rue Kestchgès ;

g) des Récollets ;

h) du Chêne ;

i) Dicktus ;

j) Léopold ;

k) sans nom : entre la rue R. Centner (Verviers) et le Chemin de Pilate (Lambermont) ;

I) Francomont (limite entre Ensival et Lambermont) ;rue Victor Besme (Lambermont) aujourd’hui disparu par suite de la suppression de la boucle de la Vesdre y comblée. Formons le vœu de voir chaque pont recevoir son nom précis et sa plaque indicatrice.

                              15. - CANAL DES USINES

       Le canal des usines fut supprimé en 1906. Son histoire mérite toutefois d’être retracée parce que, si l’on en croit certains auteurs, il aurait été créé vers 1100, soit une incidence de huit siècles sur la vie de la cité. . Qu’était donc ce canal ? A titre de comparaison, à Liège, au Pont de Fragnée, une dérivation se détache du cours du fleuve, le côtoie parallèlement vers le Nord et le rejoint au Pont de l’Atlas V.

        Il en fut de même à Verviers, toute proportion gardée : le canal a pour origine une dérivation de la Vesdre à hauteur des usines Simonis, rue de Limbourg, et destinée à alimenter le moulin banal de Verviers ; le canal du Moulin recevait rue du f Vieil Hôpital, les eaux du ruisseau de Mangombroux, dit de » Sècheval.

        Le prolongement du canal du Moulin, à travers la ville, constitue le canal des usines. Dans la suite, au fur et à mesure de la naissance et du développement croissant de l’industrie, ses berges serviront au lavage de la laine et des tissus.

       C’est pourquoi, son tracé initial se modifie : il se prolonge jusqu’au pont du Chêne, appelé désormais plutôt canal des usines « rue canal du moulin ». Au cours des temps, il subit en certains endroits des dédoublements - voire dé triplements - partiels : cela donne lieu à la Usines » qui doublait au Sud, le cours de la Vesdre, parallèlement à cette rivière, d’Est en Ouest ; nous lui consacrons une rubrique spéciale. .

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construction des nombreux ponts et passerelles aujourd’hui disparus, mais dont la dénomination est souvent restée C’est ce qui justifie cette note générale sur le Canal des usines ; elle sert de prélude à la description des ponts, quais et rues qui en furent les riverains et en ont conservé l’appellation.

                    16. - LES FORTIFICATIONS DE VERVIERS 

            Ici, il ne faut pas s’y méprendre : Verviers ne fut jamais une place forte, subissant (telle sa voisine Limbourg) des sièges historiques. 

           A l’époque envisagée, dès qu’un bourg atteignait une certaine importance, on l’entourait de murailles : il s’agissait de le protéger contre les bandes de pillards ou le passage des armées ; la nuit, on fermait les portes de la ville et les habitants jouissaient de quiétude au milieu de l’enceinte.

           Aucune trace ne subsiste de ces fortifications ; la porte de Heusy fut la dernière à être démolie (mai 1863). Il est toutefois intéressant de reconstituer ce que fut cette enceinte créée au 17e siècle. Dès 1627, on procède à l’érection d’une partie de l’enceinte ; en 1634, les portes de Sommeleville, Hodimont et Ensival voient le jour ; après l’octroi à Verviers du titre de ville (1651), l’enceinte est complétée par les Portes de Heusy, de l’Hôpital et des Grandes Rames. 

            Le plan des fortifications de Verviers (reconstitué par le docteur Lejaer va nous permettre d’en suivre le tracé en 1674 : Le pont de bois de l’Hôpital nouveau (rue Renier) construit en 1670 étant fermé par une porte, la Vesdre constitue un obstacle naturel jusqu’à la Porte des Grandes Rames ; ensuite, c’est la digue qui longe le canal conduisant l’eau au moulin ; de l’autre côté du canal (dit aussi des usines, cfr. ce titre) se dresse la Porte de Sècheval, nommée aussi de Sommeleville ou de Limbourg, à côté du couvent des Capucins ; des murailles rejoignent la Porte de Heusy, à travers ce qui étaient de: prairies et le vieux chemin de Stembert ; un petit fort y est encastré 

          L’enceinte se prolonge au Sud, épousant à peu près le tracé de la rue du Palais actuelle, à travers des prairies ; à l’endroit où aujourd’hui se situent les rues modernes de l’Escalier et de la Colline, une porte fermait la ruelle Mangay (actuelle rue de Rome) venant de la Place Verte et passant dans les terrains qui furent utilisés lors de la création de la voie ferrée ; de là, on gagnait la Porte 
d' Ensival située en Vieille Xhavée (cfr. cette rue), puis celle du Brou, à hauteur du Canal où la rivière constituait de nouveau une défense naturelle ; puis venait, sur la rive Nord, la Porte de Hodimont, Spintay inclus, puis par les Foxhalles, on gravissait les Mézelles ; une tour carrée en pierre, la « Tour aux Rats » (1673) dominait la ville. 

       Par le chemin des Heids, on atteignait le couvent des Récollets, préservé par une porte et les murailles de ce couvent, puis de celui des Sépulchrines,, longeant la Vesdre, on retrouvait la Porte du pont de l’Hôpital nouveau, ce qui nous fait achever notre périple autour des forti­fications de Verviers, aujourd’hui disparues ; leur achèvement datait de 1675.

        En effet, les guerres de Louis XIV en amenèrent la démolition dès... 1676, soit un an après leur achèvement. A part la « Tour aux Rats », démolie par les Récollets dès 1678, les Portes subsistèrent quelque temps : jusque 1800 pour celle de Limbourg ou Sommeleville, et 1863 pour celle de Heusy, la-»dernière en date à survivre. Le tracé de cette enceinte ne nous documente pas seulement sur l’emplacement des fortifications à cette époque, mais il nous précise l’étendue restreinte de notre cité au 17e siècle ; vers 1740, Leloup dessine plusieurs de ces portes (Musée Communal). 

         De plus, il constitue une synthèse des explications fournies séparément pour chaque rue intéressée par les fortifications. 

                      17. - IMPLANTATION DU CHEMIN DE FER 

     L’idée de doter la Belgique de chemins de fer est contemporaine de l’indépendance nationale (1830). Naturellement, face à une innovation aussi hardie, il fallait compter sur les différentes réactions : ceux qui croyaient dans construction des nombreux ponts et passerelles aujourd’hui disparus, mais dont la dénomination est souvent restée.

        C’est ce qui justifie cette note générale sur le Canal des usines ; elle sert de prélude à la description des ponts, quais et rues qui en furent les riverains et en ont conservé l’appellation. 

         L’avenir du rail et ceux qui en doutaient ; les divergences sur le tracé des lignes ; les localités qui voulaient que le chemin de fer passât chez elles et celles qui, au contraire, le redoutaient et le souhaitaient ailleurs ; les responsables techniques à une époque où percer un tunnel, construire un pont ou élever une rampe, ne jouissaient pas des perfectionnements d’aujourd’hui ; enfin, l État à qui incombait la charge financière de ces réalisations. Verviers, où l’industrie était en pleine expansion, n’avait qu’un objectif unanime : être reliée avec l’intérieur du pays (Liège- Bruxelles) et la Prusse voisine (l’Empire d’Allemagne n’exista qu’en 1871).

       Quel serait le tracé ? certains envisageaient le Nord de l’arrondissement : Visé, Rémersdael et Aix ; d’autres pensaient à la vallée de la Vesdre, mais il y avait les courbes et les tunnels. C’est donc vers la deuxième solution qu’il fallait arc-bouter les efforts verviétois. Au chapitre de la « rue Rogier », nous mettons en vedette la précieuse contribution de ce Ministre. A celui de la « rue Biolley », nous soulignons le rôle déterminant de Raymond Biolley. Enfin, à la « rue de la Station », nous évoquons l’inauguration de la Gare-Ouest, tout comme à la « place des Victoires », nous préciserons les antécédents et la réalisation de la gare centrale actuelle. 

                       18. - CHEMIN DE FER : LIGNE DE BATTICE


    La fin du 19e siècle est marquée par une efflorescence ferroviaire : chaque commune ambitionne de se voir dotée d’une gare d’une « station » comme on dit chez nous. 

      Parfois, celle-ci, simple halte, se situe à bonne distance de la localité dont elle porte le nom : par exemple Sart-lez-Spa et plus près de nous, Lambermont dont la halte était perchée au Nord du Pont de Francomont (cfr. rue Houget), avant la construction de l’autoroute ; le nom de « rue de la Halte » a d’ailleurs subsisté à cet endroit.

     Quelle était le tracé de cette ligne, dite du plateau de Herve qui fut ouverte en 1866. A la sortie de la gare centrale, vers Liège, peu avant le tunnel d’ Ensival, la ligne se détachait vers la droite dans une tranchée taillée dans le roc, franchissait la chaussée parallèlement à la rue Victor Besme, puis, près des Clarisses. 

       Un viaduc l’amenait à la Halte de Lambermont ; de là, elle continuait près de la propriété d’Auguste Crémer de Monty, à Pétaheid (cfr. cette rue) pour traverser la colline dans un tunnel et aboutir à Dison, Houlteau, Chaineux et Battice, communiquant ainsi avec la ligne Herve, Thimister, etc. Dans le cadre du remplacement de nombreuses lignes de chemin de fer par des services d’autobus, cette ligne était désaffectée, très vite après la guerre 1940-1945. La bretelle de l’autoroute Battice-Verviers put donc utiliser la plupart des terrains ainsi libérés ; l’environnement en fut profondément modifié : démolition de ponts, du château de Pétaheid et du tunnel voisin, etc.

        Après moins d’un siècle, la pittoresque ligne Battice- Verviers avait vécu. 

                              19. - HODIMONT 

       Pendant des siècles, Verviers et Hodimont, communes bien distinctes, eurent des destinées différentes. Ce n’était pas une limite communale qui les séparaient, mais une frontière entre États.

       Jusqu’à la fin du 18e siècle, Verviers releva du Marquisat de Franchimont qui dépendait de la principauté épiscopale millénaire de Liège. Par contre, Hodimont relevait de la seigneurie de Petit-Rechain, haut-ban de Herve et Duché de Limbourg, qui épousa les destinées des autres provinces belges passant de la domination espagnole à celle de l’Autriche, etc.

      Ce n’est donc qu’après la conquête française que les deux localités eurent un sort commun : république et empire français, royaume des Pays-Bas, puis Belgique indépendante. 

      C’est la loi du 22 juillet 1930 qui rattache Hodimont à la Ville de Verviers ; c’était, en superficie, une des plus petites communes du royaume et elle ne comprenait que des surfaces bâties. 

       Mais elle avait un passé. A la naissance de l’industrie lainière dans la région, Hodimont se tailla une part enviable, tout comme Verviers et Eupen. Les deux raisons en sont les suivantes : - des réfugiés protestants y portèrent leur industrie drapière au 16e siècle ; - l’imposition du soixantième dans la principauté de Liège suscita l’exode de fabricants verviétois vers Hodimont (1679). 

        Ses usines étaient nombreuses tout comme les habitations - pas toujours aussi confortables qu’on ne l’eût souhaité - destinées à héberger les travailleurs qui les activaient. Quelles étaient les limites de Hodimont ? Ses confins avec Lambermont, Petit-Rechain, Dison et Andrimont sont les mêmes que ceux qui séparent Verviers de ces communes (1976).

         Par contre, Verviers était séparé de Hodimont de la façon suivante : place Saucy et la rue Saint-Antoine (Verviers) voisinaient avec la rue Neuve (rue Cerexhe) à Hodimont. A la limite de Verviers, la rue de Hodimont (Verviers) s’appelait « rue Grande » jusqu’à la rue de la Grappe, toutes deux en territoire de Hodimont. Le ruisseau de Dison constituait la limite Hodimont -Verviers, en sectionnant la rue des Foxhalles où se trouvait le Pont-Neuf.

        Au 17e siècle, les Verviétois appellent Hodimont « Faubourg d’Espagne », pays dont il relevait ; ce nom subsista longtemps après la domination espagnole. 

       Déjà au 15e siècle, la rue de Hodimont était très commerçante. Pendant plusieurs siècles, l’axe Sud-Nord était constitué par l’itinéraire rues de Hodimont, Grande, Grappe vers Dison, avant que ne soit ouverte la rue de Dison (1859). Tout ce quartier est en pleine transformation ; nombre d’immeubles y furent rasés et à droite (rue du Commerce) et à gauche (rue Saint-Antoine, etc.) se dressent les grands immeubles à habitations de la Régionale Verviétoise, entourés de leurs parcs. apportant de la verdure à l’environnement. Ces lignes auront replacés dans leur contexte, les rues de Hodimont décrites dans la seconde partie : le dictionnaire. 

              20. - AGRANDISSEMENT ET ASSAINISSEMENT 1867

          C’est au cours du 19e siècle, que les transformations des villes commencent à être réalisées, non plus par parcelles, mais en vertu de plans d’ensemble. 

        Dans ce domaine, le mémoire intitulé « projet d’agrandissement et d’assainissement de la ville de Verviers », établi par Emile Lebens, ingénieur-architecte, le 28 septembre 1867 (Imprimerie Ch. Vinche, 1868), sur demande de l’Administration communale de Verviers, constitue un document de premier plan que nous allons nous efforcer de résumer et que nous citerons souvent au cours de ce travail. 

        On pourra constater combien l’auteur fut un précurseur, même si toutes ses suggestions n’ont pas été retenues en son temps. Un principe conditionne le projet : « le développement d’une ville est la loi du développement de son industrie » énonce l’auteur et, toujours en préambule, il rompt une lance pour l’amélioration de trois problèmes : l’eau, l’espace et la verdure.

       Celui de l’eau est double : l’approvisionnement par la distribution à l’industrie et aux habitants et l’évacuation des eaux usées par un réseau d’égouts (collecteurs, égouts secondaires et embranchements) dont Verviers n’est pas encore doté, ni pour l’un ni pour l’autre. 

        Ce problème paraît résolu dans un proche avenir, car les projets de barrage sont en bonne voie et pareront au manque d’’eau de l’industrie dans une ville de 60 à 70 mille habitants, dont 25 mille ouvriers ; cette réalisation contribue aussi à l’indispensable assainissement de la cité. Mais celui-ci serait incomplet sans la création d’espaces remplaçant les rues tortueuses 

          Enfin, la verdure contribuera, elle aussi, puissamment à la salubrité, par la création d’espaces verts sur les places, dans les squares et les parcs. Ce sont ces louables préoccupations que nous allons voir explicitées dans les projets ci-après.

            L’auteur embrasse ces problèmes dans leur ensemble : L’agrandissement, l’embellissement et l’assainissement et l’hygiène publique, et enfin les voies et moyens. Il rappelle que la cité s’étire entre la Vesdre et la ligne de chemin de fer, sur 3.350 mètres de long et 550 mètres de large au maximum. Faisant un tour d’horizon, il constate que : 

- au Nord : ce versant paraît trop escarpé pour une extension sérieuse ;

 - à l’Est : Crotte est plus propice à l’implantation d’usines ; 

- à l’Ouest : ce quartier, décentré, est bloqué par la Vesdre et le chemin de fer

- au Sud : ce versant de la rivière est en pente douce, proche du centre et revêt la forme d’un plateau pittoresque.

      Revers de la médaille : la voie ferrée qui sépare la ville de l’extension projetée. Aussi, la voûtera-t-on, tel que cela est expliqué sous notre titre « rue du Palais ». Et notre architecte de prévoir alors douze rues d’orientation Nord-Sud, entre ce nouvel axe Est-Ouest et l’axe parallèle Crapaurue-Harmonie. 
      Ces douze rues (qui existaient déjà ou sont à percer) partent de la rue de Heusy, Carmes, Kaison, Midi, Manguay, Vieille- Xhavée, Jardon, traversée de l’Harmonie, etc.

      La plupart furent réalisées, comme on le lira sous leur titre respectif. Autre innovation : prolonger le voûte-ment de la place du. Palais jusqu’au tunnel Biolley, avec un square au sommet.

      Mais, le projet le plus hardi est le « boulevard de ceinture » (le terme est déjà de l’époque) : de la rue d’ Ensival, sous le* chemin de fer, il gagne la vallée de Séroule et par la propriété Hanlet, proche de la Tourelle, il continue en franchissant la chaussée de Heusy pour atteindre la rue du Panorama (cabaret de ce nom), remonter vers Stembert (Calamine) et redescendre chaussée de la Vesdre (rue de Limbourg) ; ce tracé mesure 5,5 km et une largeur de 30 mètres est envisagée. 

       Nous sommes en 1867 : on demeure surpris devant ce précurseur. A leurs rubriques respectives, nous traiterons des suggestions de notre rapporteur concernant la gare Ouest et la future gare de l’Est.

       Il serait fastidieux de s’étendre ici sur l’important chapitre de l’assainissement et de la salubrité ; la création des égouts dont la cité demeurait dépourvue à cette époque, était primordiale. Enfin, l’auteur aborde un problème, toujours crucial à toutes les époques : le financement de tous ces travaux. 

       Après en avoir justifié l’urgente nécessité, il évoque les trois possibilités de les réaliser : la ville elle-même, les propriétaires intéressés ou bien une ou plusieurs sociétés, créées à cet effet ; cela préfigure « l’immobilière » dont il sera parlé à propos du quartier des boulevards. 

                    21. - LE QUARTIER DES « BOULEVARDS » 

       La prospérité de l’industrie lainière de Verviers depuis l’avènement du machinisme, au 19e siècle, suscite la richesse de sa bourgeoisie qui recherche, pour ses habitations, un air plus pur que celui empreint de pollution, au centre de la ville.

        Dès après 1850, c’est l’extension vers le Sud, dans l’espace compris entre la chaussée de Heusy à l’Est et la rue de Bruxelles (et des Déportés) à l’Ouest, borné au Sud par la commune de Heusy et au Nord par la récente rue du Palais. Les voies y sont tracées de toute pièce, géométriques, spacieuses, aux larges trottoirs, bordées la plupart du temps de villas précédées de jardins à la riche verdure, ornées d’élégantes plaques indicatrices au-dessus de poteaux.

       Leur principal ornement sera les libres (charmes,marronniers, etc.) malheureusement frappés d’un microbe mortel qui provoqua souvent leur abattage et leur remplacement par de plus jeunes. 

      Bon nombre de ces rues reçoivent, de ce fait, le nom d’« avenue » que le dictionnaire Larousse définit « large voie, en général plantée d’arbres ». Par contre, le terme de « boulevards », si couramment utilisé pour désigner ce nouveau quartier, ne correspond pas tout à fait à la définition qu’en donne ce dictionnaire : « du hollandais ” bolwerk ”, voie spacieuse établie dans les villes, sur l’emplacement des anciens remparts, puis plus généralement, large voie de communication urbaine plantée d’arbres ».

       On lira, sous le titre de l’« Escalier de la Paix » le rôle joué par la « Société Immobilière » et sous « avenue Peltzer » l’inauguration de ce nouveau quartier en 1878. 

                          22. - QUARTIER DES HOUGNES

      Encore au début de ce siècle, ces terrains étaient une campagne que seul traversait un chemin partant de Mangombroux pour gagner Jehanster. Il nous souvient avoir vu, pendant la guerre 1914-18, un ensemble de potagers y établis, afin de nourrir la population en proie à la disette. 

       Aujourd’hui, ce quartier est couvert de maisons hébergeant notre bourgeoisie moyenne, tout comme le quartier de l’« Immobilière » (1878) était devenu le quartier résidentiel de la haute bourgeoisie industrielle. 

  23. Incidence de la guerre 14-18 sur la  dénomination de nos rues.

     En Belgique occupée, la population civile fut particulièrement sensibilisée par ces quatre facteurs : - l’invasion brutale de notre territoire par une puissance voisine qui, elle-même garante de notre indépendance et de notre neutralité, déclara que les traités étaient des « chiffons de papier » ; 

  - les atrocités commises par l’envahisseur (sac, tueries, massacre de femmes et d’enfants, incendies, pillage, etc.) à Louvain, Dinant, etc., et plus près de nous : Herve, Battice, Dolhain, Francorchamps, etc. ; 

 - la séparation d’avec nos combattants qui eux, à l’instar des Français et des Anglais, ne pouvaient rentrer en congé dans leur patrie et éprouvaient les plus grandes difficultés à correspondre avec leurs familles ; 

 - la déportation systématique par le gouverneur von Bissing, des travailleurs belges, dans les usines d’Allemagne. Aussi, l’armistice du 11 novembre 1918, suscita-t-il un immense soulagement et un sentiment de reconnaissance en faveur des vainqueurs et des victimes de la guerre. 

   Dès lors, il faut louer notre édilité d’avoir si judicieusement répondu au désir de la population tendant à voir commémorer par la dénomination de rues, tant d’événements faits de souffrances et de gloire.

    De plus amples précisions seront données dans le texte relatif à chacune de ces rues ; ce chapitre se bornera à dresser un tableau des artères débaptisées et rebaptisées. 

     Les noms écrits entre parenthèses sont ceux que portaient ces rues avant de recevoir leurs nouvelles dénominations. 

     Deux grandes batailles qui stoppèrent l’ennemi en 1914 : place de l’Yser (Anvers) et rue de la Marne (Ramier) ;  deux glorieux généraux : place Léman (Tilleuls) et place Jacques (Minières) ; les cités martyres : Louvain (Vieuxtemps), Dinant (Gand), Herve (Transversale), Battice (Progrès), Francorchamps (Haute) ; rue des Alliés (Vieillards) et de France (Villas) ; place de la victoire (Chic-chac) et son monument aux combattants ; rue des Martyrs (Midi) et sa plaque commémorative à nos fusillés ; rue des Déportés (partie ouest de la rue de Bruxelles) ; enfin, l’on notera que Liège et Anvers existaient déjà sous ces noms. 

                        24. - NOS RUES A TRAVERS L’ART 

        Au fil du temps, bon nombre de quartiers de la ville changent ; d’anciens logis, voire des rues ou partie de rues disparaissent pour faire place à des constructions plus modernes.

         Par bonheur, des artistes de chez nous ont fixé, pour la postérité, de nombreux coins pittoresques : peintures, aquarelles, lithographies, photographies, etc. sont autant de modes d’expression. Malheureusement, en général, l’œuvre de ces artistes est dispersée, encore que notre Musée Communal en conserve l’un ou l’autre spécimen.

        En revanche, des expositions rétrospectives permettent de regrouper ces vues, à la grande satisfaction des amis du Verviers ancien. 

 ASPECT DE VERVIERS AVANT SON ERECTION EN VILLE

      A la première moitié du XVIIe siècle, Verviers se présente sous l’aspect d’une modeste mais vivante bourgade entourée, du Nord au Sud, par les villages d’Andrimont, d’Ensival, de Heusy et de Stembert faisant tous quatre partie du ban de Verviers. 


 Le tracé de l’enceinte fortifiée, péniblement élevée de 1626 à 1675, contournait largement l’espace habité et n’englobait que Verviers seul. 


            Parallèlement à la rivière et au canal des usines, l'agglomération s’étirait d’Est en Ouest, depuis la Porte de Limbourg jusqu’à l’entrée du Brou d’où, par le pont des Récollets, elle gagnait la rive droite de la rivière et se poursuivait par le Spintay, les Portes de Saucy et de Hodimont, pour aboutir en face du faubourg d’Espagne, pays de Limbourg, séparé du Franchimont par le ruisseau de Dison, à cet endroit limite d’Etat.

     
Au long du canal des usines se situaient d’abord le moulin banal, ensuite des petits lavoirs de laine, des fouleries de drap, comme aussi les habitations des drapiers et des ouvriers.

      



    De la Porte de Heusy débouchait la vieille voie de Stavelot à Maestricht laquelle, par la rue de Heusy et le Marché, où elle croisait le vieux chemin de Limbourg , dévalait le Mont du Moulin dans la direction du bas de la ville. 

 
place du marché 1650
Sur la terrasse du Marché, dans un site favorable, à l’abri des inondations et au cœur de la bourgade, étaient implantés les édifices communautaires : l’antique église Saint-Remacle, la Halle Communale, le Perron et le vieux cimetière; à l’Ouest, une :impasse donnait accès aux vétustes bâtiments de la Bouverie servant à a fois de prison et de fourrière; en contrebas, au pied du Mont du Moulin, il y avait la Maison du prince et le moulin banal. 

   La Bouverie serait-elle le prolongement de l’antique Summavilla? Les archives de la fin du XIVe siècle se font l’écho de l’existence d’une exploitation agricole située à proximité immédiate de l’église : 

le 17 juin 1370, Henri, Hls Goffin le majeur, relève un court (exploitation agricole) à Vervier : • ant le moutier qui fut jadis à Jehan de Woo; le 20 février 1382, B luduin d’Andrimont relève une courte devant le moustier de Vervier ir reportation de Henri, fils Ghoffin le majeur qui a fait relief (Tihon, Les fiefs du marquisat de Franchimont, S.V.A.H., VI, pp. 425 et suivantes.
Au Moyen Agemoutier ou moustier avaient l’acception d’église. 

     L'église Saint-Remacle. édifiée de 1457 à 1506 en style gothique, comportait trois nefs, des fenestrages et un portail en ogival tertiaire. La tour à trois étages était coiffée d’un très haut clocher effilé. D’importantes
modifications, au goût du jour, furent apportées à l’édifice en 1488, c’est ainsi que les fenestrages en ogive furent remplacés par des baies en plein cintre que l’on remarque sur les anciennes gravures représentant l’église. Au début du XIXe siècle, le vénérable édifice étant devenu caduque et par trop exigu fut condamné à la démolition. Il contenait cependant tant d’émouvants souvenirs, tant d’œuvres d’art aussi : mobilier, tableaux, statues, sculptures, orfèvrerie offerts, au long des siècles, par des générations de paroissiens. « Ce fut une faute impardonnable de la part des édiles du temps, écrit Paul J. Rensonnet, que de n’avoir pas su trouver une destination convenable à ces murs émouvants, élevés grâce aux sacrifices et à la piété de nos ancêtres. » 

  Démolie en 1883, la vieille église Saint-Remacle avait été remplacée, en 1836, par l’église primaire actuelle. — La Halle ou Maison de ville consistait en une solide construction de forme carrée érigée, en 1528, par Guillaume Stassart en remplacement d’une lourde bâtisse rustique, aux allures de marché couvert, appuyée sur d’énormes poutres de chêne. Elle se situait sur la place du Marché, au centre de l’espace compris entre la façade ouest de l’hôtel de ville actuel et les maisons d’habitation qui lui faisaient face; la façade principale était orientée au Sud et se trouvait à peu près à l’endroit où se dresse le perron, c est-à-dire au centre du Marché actuel. 

   La Maison de ville comportait un étage, ainsi que des combles servant de remise aux matières de chauffage. A l’étage, il s’y trouvait une vaste salle pour la Cour de justice et le Magistrat, ainsi que deux locaux occupés par le Greffe et le Secrétariat. Divers services étaient installés au rez-de-chaussée : magasin à grains, bureau communal des recettes et corps de garde. 

   En 1567, on agrandit le bâtiment en y construisant une annexe destinée à servir de comptoir aux bouchers. Un octroi du 15 novembre 1655 autorisa l’aménagement d’un comptoir ou halle aux draps pour les drapiers de Verviers, Ensival, Dison et Néau (Eupen). Jouxte la Maison de ville se situait le pilori. 

   En 1773, le Conseil de ville décida la démolition de la halle et la construction d’un nouvel hôtel de ville, mais à un autre emplacement de façon à agrandir le Marché. La démolition de l’ancienne halle débuta en juillet 1775.

   Selon une tradition séculaire, des sonneries de cloche à l’église Saint-Remacle appelaient les habitants non seulement aux offices, mais aussi aux plaids généraux et aux assemblées communales sur la place voisine. En 1651 et 1652, la retraite était sonnée à 21 heures par le marguillier

    La nation liégeoise a fait du Perron, simple colonne érigée sur des degrés et surmontée d’une pomme de pin et d’une croix, le symbole de son indépendance et de sa liberté. Dès 1235, Huy possède son perron, Saint-Trond l’adopte en 1362, Thuin fait de même en 1372, comme aussi Looz et Hasselt en 1461 et Maestricht en 1494. 

   
Au XVe siècle, le perron était considéré comme l’emblème du pays de Liège tout entier. En 1457, les maîtres-bourgeois de Liège accordèrent le droit de bourgeoisie de la Cité aux habitants du Franchimont; en mémoire de quoi, ils firent ériger un perron au village de Sart où, à cette époque, 1 industrie métallurgique était assez développée. 

   Le fait est confirmé par un record de la Cour des échevins de Liège en date du 7 juillet 1458 (Paweilhar E, f. 195 aux A.E.L., reproduit par Gode froid Kurth à l’Annexe III du tome 3 de « La Cité de Liège au Moyen Age»), On ne possède aucun document attestant 1 érection d’un perron au chef-lieu de chacun des cinq bans du Franchimont, ainsi que l'affirment Detrooz, Renier et autres. 

   Il n’empêche qu’il est possible qu’un premier perron fut solennellement érigé en 1458, à Verviers, sur la place du Marché. Detrooz affirme également que les soldats du Téméraire abattirent le perron en 1468 et qu’il fut réédifié peu d’années après. 

  Par contre, un document, officiel celui-là, nous apprend qu’en 1534 le prince-évêque Erard de la Marck donna un octroi d’érection d’un perron à Verviers. 

  Trente ans après, ce perron, érigé devant la halle, tombait en ruine, ainsi que le rapporte une supplique du Magistrat de Verviers sollicitant l’autorisation de le reconstruire « sur un meilleur et plus ferme fondement ». 

   Le 11 décembre 1567, par devant la Cour scabinale de Verviers, les maîtres-bourgeois Pierre Donneux et Thenus Peterkenne passaient marché avec Johan le Moine, maçon, demeurant à Mont, pour démolir le perron en pierre devenu vétuste et en édifier un autre, aussi en pierre, au même endroit et selon les indications lui fournies. 

   Il appartenait aux maîtres-bourgeois de Verviers de livrer les pierres, chaux, fer, plomb, bois nécessaires. 

   En 1731-1732, en lieu et place du perron, une fontaine monumentale en calcaire givetien et bronze fut érigée d’après des plans établis par le Fort, en 1688. 

    Les armoiries des bourgmestres en charge décoraient une face du corps de la fontaine. « Celui-ci, écrit Maurice Pirenne, ressemble assez bien à celui de la fontaine en Vinâve d’île à Liège, qui date du XVII* siècle. » Saumery, dans ses « Délices du Pays de Liège » (Liège, 1738-1744, III, p. 248), la décrit en ces termes : «... L’on voit (à Vervier) une belle fontaine en pierre brute qui sert de piédestal à un riche Perron de bronze.  L’eau en sort par quatre masques et se perd dans un pareil nombre de coquilles travailles avec beaucoup d’art; cet ouvrage, construit en 1732, fait face à la maison de ville. » (M. Pirenne.) 

 Le Moulin banal assis à l’angle du Mont du Moulin et de la rue de la Tuilerie, à l’emplacement du Marché : ouvert, a l'ex Commissariat de Police, était un fief du prince. A en croire Detrooz, il avait été construit à cet emplacement en 1123. La plus ancienne mention que fournissent les archives parvenues jusqu’à nous, remonte à 1323, quand le prince-évêque Adolphe de la Marck le donna en fief à Godefroid d’Andrimont.

   Evidemment, le moulin existait avant cette date. Il était activé par les eaux d’une dérivation canalisée de la vesdre  branchée en-deçà des Couvalles, et dans laquelle se déversait à extrémité orientale de la rue de la Tuilerie le ruisseau de Sècheval. 

  A la sortie du moulin, un bief à ciel ouvert renvoyait les eaux à la rivière. peu au dessous du pont d’Andrimont,       (al cute-renier) rue Renier. 

    Ce bief de décharge, peuplé de grenouilles (en wallon «dès raines») serait à l’origine l'appellation de la rue des Raines. 

   Les archives ne fournissent guère d'indications à retenir concernant le moulin. Le Musée des Beaux-Arts conserve des clés d’ancrage formant le millésime 1521 et provenant du moulin. De même, le linteau d’une entrée de sous-sol d’un bâtiment. proche le moulin, offrait naguère, taillée dans la pierre, une anille et le millésime 1567. 

  Au XVIIe siècle, quand Verviers fut dotée d’une enceinte défensive, une grosse tour dite « tour aux mostèyes » fut construite en la Pêcherie pour défendre « la vanne du moulin, hors la Porte de Limbourg ». voir plan fortifications ci-dessus)
   
   Cette tour dont les murs avaient sept pieds d’épaisseur et dans laquelle on ne pouvait entrer qu’au moyen d’une échelle fut démolie par les Français, en novembre 1676. 

  Lors des travaux de construction des fortifications, Jacob Graffar le jeune, qui possédait au Wérixhas du Moulin une « brassine », fut autorisé à prendre une languette de terre hors de l’aisemence, sous la condition « d’élever et de dresser une barrière en bois pour servir de fortification à ce bourg, suivant ordonnance et mandement de S. A. nostre Prince » ( Arch. Communales, vo'l. 2 bis, pp. 208-209). 

  Au XVe siècle, pour servir à l’industrie drapière, le canal du moulin fut prolongé, à travers l’agglomération, jusqu’au pont du Chêne actuel et prit le nom de canal des usines. Il provoqua tout au long de son cours non seulement l’installation de petits lavoirs de laine, de fouleries, de « stordeurs » utilisant des coups d’eau, de faible puissance, mais aussi la construction de nombreuses habitations.

   Alimenté par la Vesdre, mais aussi par les eaux du ruisseau de Sècheval, le canal des usines constitua aux siècles qui suivirent « un véritable enchevêtrement de biez de fouleries, de dérivations qui s’étendirent sur toute la longueur de la ville, rayonnant ou convergeant en certains points pour repartir en d’autres ramifications ou se réunir à nouveau ». 

  Il subsista pendant le XIXe siècle et ne fut considéré comme « inutile, incommode et supprimé » qu’en 1906. (Lebrun, Pirenne, Peuteman.) 

  Depuis l’article plein d’intérêt intitulé « Une Maison Princière à Verviers XV° siècle » publié par Jules Peuteman dans le Bulletin des Archives Verviétoises, la preuve est faite que Son Altesse le Prince de Liège, marquis de Franchimont, possédait une agréable demeure dont notre regretté collègue a rendu l’aspect architectural, d’après un plan d’époque conservé aux Archives de l’Etat à Liège, dans le fonds de la Chambre des Comptes, volume 116 in fine, sous rubrique « Visite des moulins de Son Altesse ». 

  Cette ancienne construction en colombage se dresse encore, mais combien mutilée, au pied du Mont du Moulin, dans l’actuelle rue de la Tuilerie, n° 2, à proximité immédiate de l'ex Commissariat de Police, précédemment Marché couvert, édifié à l’emplacement de l’ancien moulin banal de Verviers, dont les bâtiments vétustes disparurent dans l’incendie des 21-22 septembre 1922.

   Ainsi que l’on peut s’en rendre compte par l’excellent dessin publié dans l’article susdit, la Maison princière, adossée au flanc de la butte où se dressaient autrefois l’antique église Saint-Remacle, le vieux cimetière (« lu vile aîte ») et la halle médiévale avait belle allure.



  Par les fenêtres à meneaux de l’étage unique aménagé en encorbellement, comme aussi par les baies à jours contigus de la bâtisse construite en avancement tout contre le quartier principal, l’édifice avait vue sur la colline boisée s’étendant de Hombiet aux Mezelles, tandis qu’à quelques mètres seulement de la façade, vers le Nord, se terrait le vieux moulin banal, à combles surbaissés, dont on percevait la monotone et incessante cadence des roues à aubes. 

   Après avoir décrit l’agencement intérieur de la Maison du prince à Verviers dont les origines se situeraient à la seconde moitié du XVI' siècle, Jules Peuteman note encore : « Tous les Verviétois ignoraient jusqu’au jour de l’exhumation de notre précieuse pièce d’archives, que la plupart de nos chefs d’Etat, tout au moins à partir du règne d’Ernest de Bavière, avaient pu séjourner chez nous, dans un logis qui leur appartenait en propre et dont l’aspect élégant n’était pas sans s’allier à un certain confort. 

  On peut croire que le prince-évêque Georges-Louis de Berghes (1724-1744) qui, dit-on, visita Verviers à plusieurs reprises, utilisa son pied-à-terre proche le moulin; il est également possible que Dom Alexandre del Motte, prince-abbé de Stavelot-Malmedy (1754-1766), lors de ses passages par notre ville, où il conservait de la parenté, s’arrêtait dans la même maison, dont d’autres personnages de haut rang : suffragants, archidiacres, gouverneurs ou chargés de mission, ont pu sans doute se servir. »

   Très vraisemblablement, c’était au tenant du fief du moulin banal de Verviers que devait incomber le soin d’entretenir en parfait état la demeure passagère du prince de Liège. Le système consistant à mettre à charge d’un vassal une obligation visant à assurer le confort du souverain était chose courante sous le régime féodal. 

  C’est ainsi qu’à Limbourg, à la fin du XIIIe siècle, on trouve cité le tenant d’un fief auquel incombait le soin d’assurer le chauffage de la salle ducale du château de Limbourg, quand le duc y séjournait. 

   Détail curieux : le vassal investi de ce fief prit et retint le patronyme « Boutefeu ». A présent, après avoir connu des abandons et des vicissitudes diverses, la Maison du prince, propriété de la ville, est affectée, en ordre principal, à l’usage de « Home pour personnes âgées ». (Buchet, Peuteman.) 

  Rues, Places et Ponts 

   A Verviers, au milieu du XVIIe siècle, la plupart des constructions se situaient au long des deux artères principales se croisant Place du Marché : Porte de Limbourg à Hodimont et Porte de Heusy au bas de la ville, comme aussi au voisinage immédiat du canal des usines.

  Un record de la Cour de justice délivré en 1523 fixait à deux verges, soit 9 m 338, la largeur de la voie principale entre Sommeleville et la Brassine (place Verte actuelle), ceci aux fins de limiter strictement les empiétements des terres cultivées avoisinantes.

   Avant la fin du XVIe siècle, aucun nom de rue n’apparaît à Verviers, sauf de vagues indications toponymiques comme « à la voye de Limbourg », « à la Pèlerine voye », au chemin de Stembert, de Heusy, d’Ensival.

   Fait assez rare, dans un document de 1491 publié par Jules Peuteman, il est fait état de la cession d’une bande de terrain planté de saules, au long de la Vesdre, au lieu-dit « Le Saulcy Gracieux ». 

  C’est seulement en 1603 que l'on trouve citée « la rue delle Bressine » et, en 1613, « Craporue ». En 1640, on cite « le grand vinâve de Craporue ».

   Ce toponyme qui n’est autre qu’une forme évolutive de « Grapaurue » se rattache à « grappe », en wallon « gripète », c’est-à-dire rampe, côte, pente assez raide (P. Hanquet). Autrefois et actuellement encore, dans le langage populaire, auprès de nombreuses personnes, Hodimont désigne non pas la commune du nom annexée à Verviers en 1930, mais bien la rue de Hodimont, à Verviers.

   Des rues secondaires se rattachaient aux deux artères principales dont il a été parlé : le Brou, la Xhavée, la Vieille Xhavée; le Saucy; de même, des cours, des impasses, des ruelles accessibles parfois par des passages couverts dénommés « ârvôs ». 

  A certains endroits, les rues s’élargissent, des terrains vagues, des aisances communales constituent les « Wérixhas », en wallon «Wirxhès» : terrain communal non cultivé, du bas latin «Warescapium », lieu public. Ils sont à l’origine de la place Verte (pièce delle Brèssène), de la place du Martyr (Grand Wérixhas), du Wirxhèt dès Bèguènes ou Petit Wérixhas (rue du Collège, devant la chapelle Saint- Lambert, autrefois des Sépulcrines) et encore le Wirxhèt dè Molin (au bas du Mont du Moulin, à droite). 

  Outre le Wérixhas, il existait à certains endroits, en dehors de l’agglomération bâtie dès Waînés, autrement dit des « rames » en bois servant à sécher les draps fabriqués. J. S. Renier rapporte qu’en l’an 1522 le prince Erard de la Marck céda, à l’usage des drapiers verviétois, un vaste terrain longeant la Vesdre, dans Factuel quartier des Prés-Javais, pour y établir des rames à sécher le drap, à la condition que l’on ne tirât pas sur les draps. 

  Le nom de ce terrain « Les Grandes Rames » fut donné, au XVIIe siècle, à l’une des Portes de l’enceinte fortifiée. Actuellement, la rue des Grandes Rames, dans le même quartier, conserve ce souvenir. Un autre terrain, à même usage, dénommé « Les Petites Rames » se situait à proximité du pont d’Andrimont. (Renier, Histor. Administr. Communale, p. 35, et Lebrun, op. cit., p. 211.)

   

    Sur le même sujet, Emile Fairon écrit : « Jusque bien tard dans le XVIIe siècle, chaque habitant fut autorisé à placer ses rames où il le voulait, sur une aisance communale, avec l’autorisation du seigneur. — Jusqu’avant la deuxième moitié du XVIIe siècle, il n’existait dans la bourgade qu’un seul pont sur la Vesdre : « lu pont al lèxhe ». 

   Construit en bois, il fut emporté par une forte crue de la Vesdre, puis reconstruit en pierre, en 1560, à peu près à l’emplacement du précédent. Bâti en dos d’âne, il comportait, en son milieu, un petit bâtiment ou loge qu’en 1723 les Pères Récollets furent chargés de démolir. 

   Dans ses « Mémoires », Henri de Sonkeux (1648-1710) écrit « qu’il y avait aux environs de Crotte un pont bâti sur la rivière de Veser qui était contigu à Hombiet par où on allait à Maestricht ou à Liège et ailleurs. 

  Il y a des prairies dans les environs de Crotte qu’on appelle encore aujourd’hui « devant le pont » ressentant encore l’antiquité. » J. S. Renier, le Dr F. Tihon et d’autres se sont fait l'écho d’une tradition qui veut qu’une voie romaine venant de Stavelot, par les Hautes Fagnes, Polleur et Heusy, aboutissait à Verviers, d’où, par la place du Marché, elle gagnait la rue des Couvalles puis, par un antique pont situé sous Hombiet, permettait d’atteindre Andrimont et les Plènèsses, pour gagner ensuite Liège ou Maestricht. 

  Il faut noter que le pont d’Andrimont, rue Renier, ne date que de 1674 (Renier, Découvertes archéologiques, I.A.L., t. V, pp. 237-239, et Dr F. Tihon, Origines de Verviers, S.V.A.H., Chronique, 21.11.1910). —

   Au pied du Thier Mère-Dieu, il exista un pont sur le ruisseau de Sècheval bâti au XVe siècle. Selon Detrooz, on pouvait voir encore au XVIIIe siècle, sur l’une des pierres de ce pont, une inscription gothique rappelant son érection en 1409, au temps de Thomas Cantin. 

    Sur le canal des usines, il y avait quatre ponts : le pont Sommeleville. le pont du Moulin, le pont aux Lions, datant tous du XVIe siècle, tandis que le pont Saint- Laurent fut construit au siècle suivant.

   Le Musée des Beaux-Arts possède un curieux lion de pierre appuyé sur un écu aux armes du prince- évêque Erard de la Marck, qui régna de 1506 à 1538. Ce pont fut réfectionné en 1746; avant cette date, il était dit «pont de jeune Pierre» ou « pont le jeune ». 

   Ce n’est que par après qu’on le dénomma « Pont aux Lions ». 

L'aspect de la bourgade - Les constructions locales 

Le territoire de Verviers, englobé dans l’enceinte, était loin d’être entièrement bâti.

   Outre les Wérixhas et les Waines, il existait à l’intérieur du cordon de murailles, de portes et de tours, de nombreux terrains de pâture car les habitants possédaient encore un cheptel assez abondant. 

   Ils exposaient devant leurs demeures des tas de fumiers, comme on le voit encore dans des villages reculés de l’Ardenne ou de l’Eifel. Cet état de choses qui montre que Verviers gardait encore, en partie, un aspect rural, a duré jusque dans la première moitié du XVIIIe siècle car, en 1738, une ordonnance de l’édilité enjoignait à tous ceux qui avaient des fumiers devant leurs demeures de les faire disparaître sous peine d amende.

  On comprend que, dans ces conditions, les rues étaient de véritables cloaques. De plus, elles n’étaient ni éclairées, ni pavées.

  On ne sortait la nuit qu’à ses risques et périls, en s’aidant de quelque liminaire. La ville était bien vivante et paisible pourtant. En plein centre subsistaient des vergers, des haies, des branches d’arbres dépassant les clôtures. 

 
Mais ce qui devait caractériser l’aspect de la bourgade. c’étaient les nombreuses maisons construites en pan de bois de chêne, sur un soubassement de pierre. 
  L’ossature du pan de bois se empiétait par l’introduction de traverses ou entretoises horizontales; le maintien de cette ossature contre sa déformation était assuré par . introduction d’éléments obliques tels que guettes, contrefiches, croix de Saint-André.

   
   Le remplissage des compartiments se faisait en torchis, »sorte d'enduit composé d’argile mêlée à de la paille ou du foin et fixé sur un clayonnage de bois de coudrier. 

  Les petits carreaux des fenêtres riaient enchâssés dans du plomb. Les chénaux étaient supportés par des  des corbeaux, de tradition gothique, le plus souvent. Le système de construction en pan de bois permettait de réaliser des murs peu épais. 

  Coiffées de toits de chaume, les maisons en pan de bois avaient un caractère rural très marqué, elles présentaient l'avantage d’être fraîches l'été et chaudes l’hiver. L’engouement qui se marqua au XVII*1 siècle pour la construction en maçonnerie, pierres et briques, ne conduisit pas seulement à restreindre le nombre de pans de bois : les incendies se chargèrent d’en éliminer un grand nombre (Puters). 

  Des quelques demeures bourgeoises édifiées à Verviers à la Maison Bosard, place Sommeleville, demière moitié du XVIIe siècle, subsistent encore de nos jours, la Maison Lambrette, rue des Raines, la Maison Moulan, en Crapaurue, la Maison Bosard, place Sommeleville, à l’entrée de la rue Sècheval.

   Cependant, pour d’autres constructions verviétoises on employa, avant 1650, la maçonnerie en pierres et briques, ainsi la Maison Chinval, rue de Heusy. 

  Une pierre sculptée qui surmontait la porte d’entrée de cette demeure, actuellement démolie, était décorée d’un écu surmonté d’un heaume et datée 1636. Aux dires de J.S. Renier, l’écu martelé à la Révolution était celui des Bailoux, ancienne famille verviétoise qui donna deux bourgmestres à la ville et blasonnait : parti, au 1 coupé d’azur à l’étoile à six rais d’or, et d’argent au croissant de gueules; au 2 d’argent au croissant de gueules. Cimier : l’étoile de l’écu. Il est certain que le style nouveau adopté dans la construction des bâtiments conventuels, église et chapelles des Récollets, des Conceptionistes et des Sépulcrines ne manqua pas d’influencer la bâtisse privée, à Verviers.

   Notre regretté collègue, feu le professeur Albert Puters a publié dans le tome XXXVI du Bulletin de la S.V.A.H. de savantes études descriptives des types de constructions en pan de bois que Verviers possède encore. « Reflets de son développement industriel et de son passage au régime capitaliste, Verviers connut un événement notable par le fait de l’érection de quelques maisons particulièrement importantes, se distinguant des autres par leurs dimensions, à deux ou trois étages, parfois avec façade assez longue. Leur style Renaissance Mosane est très sobre de moulures et d’ornements sculptés. 

    La Maison Moulan : la façade principale et le retour en maçonnerie ont 1 allure générale des constructions de style Renaissance Mosane, malgré des éléments traditionnels du XVIe siècle.

   Les fenêtres sont à croisée simple à l’étage; elles étaient de même au rez-de-chaussée et des vestiges suffisants retrouvés à ce rez-de-chaussée m’ont permis de dessiner une reconstitution fidèle des façades. Le second étage comporte un alignement de petites fenêtres. La corniche est à console en pierre très simple. 

   L’immeuble Moulan est dégagé de trois côtés, l’un de ses pignons est accolé à une rangée de maisons de Crapaurue. La façade vers la rue ainsi qu’une partie en retour de 1 m 55 sont en maçonnerie de briques et de pierres de taille. La façade postérieure et le pignon dégagé vers la rue des Carmes sont en pan de bois. Dans une pierre encastrée au-dessus de la porte est sculpté le millésime 1650, date qui correspond, à mon avis, uniquement à l’édification de la façade en maçonnerie et des retours y attenant. 

  Ainsi, il existait, avant 1650, une maison en pan de bois qui fut agrandie en 1650, par une emprise constituée par la partie en maçonnerie de pierres et briques conjointement avec son exhaussement d’un étage. 

 La Maison Lambrette : il s’agit d’un important immeuble à deux étages en pan de bois sur soubassement de pierre. Il doit dater de la première moitié du XVIIe siècle. Cet édifice a subi peu de changements, à part une vitrine qui a entamé une partie du rez-de-chaussée. 

   La disposition des bois de la charpente forme un dessin symétrique tandis que les baies se disposent conformément à des dispositions intérieures. Si l’extérieur de la Maison Lambrette possède intégralement les caractéristiques de la Renaissance Mosane, l’intérieur par contre offre des réminiscences gothico-renaissance : en effet, aux fenêtres, les arêtes sont chanfreinées et les chanfreins sont amortis à la manière médiévale. 

   Aux Maisons Bosard. place Sommeleville, 2 et 4, l’une d’elles a la plupart de ses compartiments garnis de croix de Saint- André. Les fenêtres du premier étage ont été démunies de leur traverse. 

   La Maison de la rue Coronmeuse (n° 8), démolie il y a quelques années, était une construction en pan de bois de largeur modérée mais ayant deux étages, plus un autre sans comble. Sa façade postérieure était construite en encorbellement sur le canal des usines. » 

— Au même XVIIe siècle existait place Saint-Paul — ès trô dè mârtè — une ferme dont des éléments architecturaux, encore apparents, dénotent le style Renaissance Mosane. Complètement transformée au XVIIIe siècle, cette construction devint l'Hôtel des Voyageurs

   — Des bâtiments conventuels élevés de 1631 à 1639 par les Récollets, proche la rivière de Vesdre et le pont, pas plus que ceux bâtis vers 1634, elle Prèye, par les Conceptionistes, ni non plus ceux construits, vers 1637-1638, face au Petit Wérixhas, par les Sépulcrines, il n’est rien resté. 

  De même, il ne subsiste plus aucun vestige du Manoir dit la Tour Quentin, au vieux quartier de Sècheval, ni non plus d’autres constructions citées au XVIe siècle : la Maison delle Court, à l’angle de Crapaurue et de la rue de Heusy, habitée par le chirurgien Laurent delle Court, passé de vie à trépas en 1575; la Maison dite la Tour du Marché qui appartint, au XVIe siècle, à Bertrand delle Thour, époux d’Agnès delle Court; la Maison dite de l’ancien Brasseur, au côté sud du Grand Wérixhas construite et habitée en 1570 par Jehan Blanchetête, teinturier à Dolhain; la Maison de Loye, à l’entrée de la rue de Hodimont, construite probablement en 1657 et démolie au milieu du siècle dernier. Cette famille était fortement implantée à Limbourg aux XVIe et XVIIe siècles avant de se fixer à Verviers. 

   Dans l’impasse Gouvy — certain Jean Gouvy, geôlier de 1677 à 1680 lui donna son nom — se trouvait le très vieux bâtiment dénommé La Bouverie ou ferme du seigneur. Il servait à la fois de prison et de fourrière.

    En 1615, le bâtiment était dans un tel état de délabrement qu’il n’assurait plus la réclusion des détenus. Il dut être reconstruit, en partie, en 1630. A cette époque, l’échevin de Presseux en était propriétaire.

 — Hors des murs, à l’écart de l’agglomération, mais cependant toujours sur le territoire de Verviers, il y avait plusieurs établissements agricoles datant tous du XVIIe siècle : la Cense Lauvau (rue de la Station) située en aval de la ville comme son nom l’indique et construite en Renaissance Mosane; la Cense des Conceptionistes ou Cinse dès Bèguènes située en Bausinchamps joindant au real chemin d’Ensival (rue des Déportés) édifiée aussi suivant les normes du même style; elle fut démolie au début du XXe siècle; la Ferme du Curé, grosse bâtisse élevée au milieu des prairies « Sur les Heids » à Andrimont par Thomas de Bilstain, curé de Verviers de 1647 à 1697 ; il érigea en 1659, en Brossy, la chapelle Sainte-Appoline et décora la façade de ses armes. Enfin, il existait également à Renoupré un établissement agricole dont on ne sait rien. Sans prétendre donner une liste complète, des noms nous viennent à l’esprit, au hasard de la plume : 



- Armand WEBER (1844-1918) : lithographe, dessinateur et - aquarelliste ;

- Jules-Emile PIRENNE (1850-1920) : photographe (oncle de j Henri et Maurice Pirenne) ; 

- Maurice PIRENNE (1872-1968) : peintre, dessinateur et pastelliste, dont il est parlé plus abondamment à propos de son père « rue Henri Pirenne » ;

 - Pierre KOUMOTH (1873-1956) : dessinateur ; 

- Emile PIRET (1879-1958) : photographe ; 

- Jean-Mathieu JAMSIN (1882-1965) : peintre, dessinateur et pastelliste ;

 - Auguste GOETHALS (1874-1975) : aquarelliste ; 

- Albert DUMMERS (contemporain) : peintre et dessinateur ; 

- Joseph MONAMI (1976) : photographe, auteur de « Verviers hier et aujourd’hui. ».

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